EVAsions DES ARTS 2021

VILLY-EN-AUXOIS ET SALMAISE

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          Quand il n'est pas à la pêche (la preuve de cette passion figure souvent sur ses toiles), Stéphane Montmailler peint ou sculpte. Une œuvre très hétéroclite en apparence, et néanmoins tellement personnelle qu'il est impossible de la confondre avec d'autres.

          Certes, s'il ne peint pas des poissons, c'est l'humain qui le préoccupe ! L'humain jamais très à l'aise, peint sur des décors non définis mais toujours inquiétants (sols incandescents, éléments incertains volant autour du personnage sur fonds de ciels tourmentés ; couples jambes plongées dans l'eau, côte à côte mais ne se regardant pas, bras le long du corps (ne s'enlaçant donc pas), raides devant de vieux murs apparemment couverts d'indescriptibles plantes rudérales. Le tout peint avec n'importe quel outil qui lui tombe sous la main, ses doigts en premier lieu, le pinceau par hasard, et pourquoi pas la truelle ? Et toujours dans des teintes de gris, de rouges mêlés à des bruns…

          Parfois, il se détourne vers la mythologie et c'est alors un minotaure, lascivement allongé, semblant flotter au-dessus des ruines d'une ville ! 

          Lorsqu'il quitte les humains, Stéphane Montmailler devient Art-récupérateur, et avec les richesses découvertes lors de ses glanes, abandonnant peut-être son mal-être, il se lance dans des œuvres pleines d'humour teinté d'un brin d'ironie piquante. Déferle alors un bestiaire surprenant d'imagination : tatou protégé par des grilles de moulins à légumes ; chèvre à bascule ; grenouille grimpant à l'échelle pour indiquer qu'il fait beau dans le monde animalier de l'artiste !... Réalisé chaque fois en des tailles plus grandes que nature ! 

          Et c'est ainsi que, sous ses airs d'éternel jeune homme hors-normes, Stéphane Montmailler est passé maître dans l'art de peindre le monde tel qu'il ne veut pas qu'il soit ; et les bêtes telles qu'elles devraient être !

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS : Banne 2013

Et : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS. BANNE MAI 2018. LIEUX ET EXPOSANTS

 

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Les sculptures de Michèle Gicquel dite Amgie sont taillées de façon minimale, dans la pierre ou plus souvent le bois, laissant en relief l'écorce ou au contraire polissant l'aubier, cirées ou vernies, toujours en taille directe.  Chacune est conçue dans une économie de gestes visant à faire ressortir l'essentiel, avec un grand souci de justesse anatomique. Mais l'artiste ne se contente pas de l'exploration formelle des volumes et des lignes : ce choix de brillance ou de matité vise à capter la lumière, laisser s'exprimer les ombres. Epurées au maximum, incluses dans ce qui semble être un unique trait, elles sont symboles de vie, mélanges d'évocations masculines, féminines, arboriformes, animales, etc. Paradoxalement hiératiques, elles sont éminemment sensuelles et le spectateur a envie de les caresser, créer avec elles une intimité, suivre leurs replis chauds et soyeux, contourner leurs rondeurs.

 

          Peintre, tantôt elle peaufine le fond en des nuances ton sur ton, ne coupant cette surface que d'un élément minimaliste, comme un oiseau aux ailes éployées, vu de dessus ; tantôt elle rompt ce fond d'une masse peinte qui se refléterait dans l'eau, sauf que cette masse est une authentique plaque de rouille dont elle a su rendre les nuances. Tantôt enfin, le fond (le peu qui en est visible) ne sert que de faire-valoir à une effusion florale où corolles, tiges, silhouettes humaines ou arbustives, semées de minuscules poncturations noires, semblent participer du bouquet ainsi suggéré ! 

Jeanine RIVAIS

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          Que font, d'habitude, les jeunes femmes de vingt-deux ans ? Elles se marient, ont des enfants, un travail, une quotidienneté assez banale, en somme ! Rien de tel pour Angèle qui s'interroge picturalement sur le monde, sur le cosmos, sur la relation de l'Homme à ce monde, à ce cosmos, et à la façon dont tous ces éléments se conjuguent pour que chaque spectateur, la surprise passée, puisse laisser libre cours à ses émotions, son sens du merveilleux, de l'inattendu, face à ce développement composite, cette scénographie d'une sobriété exemplaire. 

          Car Angèle n'use de nul "effet", nulle surenchère : sur des murs noirs, elle déploie son parcours fait de "peintures cosmiques" sur fonds noirs, entrecroisées d'écrits poétiques qui véhiculent ses exhortations adressées à : elle-même ? au visiteur qui les lit et réagit subjectivement ? à la terre entière qui est concernée par les interrogations, mais aussi les remarques tour à tour enjouées, angoissées… de cette jeune artiste ?

 

          Il peut sembler au visiteur évident d'avancer en suivant l'itinéraire circulaire prévu par Angèle. Mais, il peut aussi analyser -du moins tenter d'analyser- retracer selon son cœur, l'histoire, l'aventure qu'elle narre au cours de cet itinéraire ! Commencer, par exemple par son interrogation sur l'humain : "L'humain est aussi vaste que l'univers. Que connaissons-nous de l'univers ? Une toute minuscule, minuscule, minuscule partie. Alors, que sommes-nous ? Nous n'en savons… qu'une toute minuscule, minuscule, minuscule partie"

 

          Partir avec elle dans un cosmos, dont l'œil -tel celui d'un cyclone- est le centre de l'inconnu (et subséquemment du tableau). 

          Découvrir au centre de ce magma, un embryon humain, affirmant "A chaque naissance, c'est la naissance de l'univers qui se reproduit à l'infini…".

          Parvenir à un petit enfant nimbé d'une auréole bleue, confiant au soleil "les murmures de" (son) "âme". - Et toi, alors ?... Qu'est ce qui regarde à travers tes yeux à cet instant ? - A travers mes yeux ?... Je crois que ce sont des années lumières de questionnements, des années lumières d'existence.

Puis, sur fond de ciel mêlé de bruns et de noirs, évoquer un soleil parfaitement circulaire, sur le bord gauche duquel se dessine en filigrane minuscule l'embryon vu plus haut. Scander vers lui, une sorte d'hymne : "Entends, au creux de ton âme des soleils naissent, brûlent, et meurent. A chaque instant. A jamais. Et ceci, indépendamment des cycles du corps".

          Est-ce l'enfant de tout à l'heure ? Un autre jouant "aux petits bateaux" ? Dans un ciel tout noir, où seul point un quartier de lune descendante, lire ce qu'elle proclame (pour le visiteur ? pour l'enfant étonnamment dehors la nuit ?) "Eh oui, je vous ai vu" ! Comme si le parcours d'Angèle passait par la transgression ? 

Se rassurer en retrouvant le cosmos, en une incantation rassurante commençant par : "Ne t'inquiète pas…"

Parvenir en un lieu qui pourrait être le résumé du périple puisque, entre phrases écrites en minuscules, est accroupi une sorte de centaure à gauche de l'embryon étendu sur fond noir dans un cadre blanc ; au-dessus duquel bat un cœur entre veines et artères ; à droite d'une carte de la Terre au centre d'un rectangle placé dans un autre rectangle où brillent des milliers d'étoiles ; à droite d'un carré blanc portant un sigle indéfini… Comme si l'artiste, de mythologie en réalité, de la naissance vers le rien, avait terminé son voyage spatial et était revenue à son interrogation originelle ?

          Enfin, retrouver l'embryon -donc la vie- et ses deux icônes porteuses de réflexions : "Il peut paraître inné de vivre. Cela peut paraître être de l'ordre de la normalité. Pourtant il n'y a rien de moins normal, il n'y a rien de plus fou que la naissance de la vie". // "Tu te souviens ? Nous sommes passés par les galaxies avant de naître au monde. Et on y repassera en sens inverse pour notre dernier voyage. Comme une première et ultime traversée. Je l'entends encore dans mon corps, l'épais silence qui sépare les galaxies".

 

          Ainsi pourrait être circonscrit le périple d'Angèle, voyageant à travers le cosmos, invoquant la lune et le soleil, plaçant dans son périple au long cours, l'enfant pas encore né, et l'enfant dans son jeune âge, tous deux ayant toute la vie devant eux. Un message d'espoir donc. 

          Mais il va de soi qu'une telle transcription ne peut être que subjective, ne représentant que des étapes sélectives dans le parcours d'Angèle. Cette présentation "permet en tout cas d'exprimer ce qu'il y a au-delà des mots, au-delà du visible. Elle permet d'exprimer ce qui nous traverse et parfois paraît plus grand que ce petit corps humain.". Il reste à savoir si, de présentation en présentation, elle-même effectue toujours le même itinéraire ou le modifie au gré de ses fantasmes ? Et puis, elle est bien jeune, pour de si graves questionnements : qu'en sera-t-il, lorsque l'âge venant, elle les affrontera de nouveau ? 

Jeanine RIVAIS

ANGELE A ETE LAUREATE 2021 DU PRIX DU PUBLIC, EX AEQUO AVEC ANNE BALTHAZAR.

 

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BRILLANCES ET MATITES DANS L'ŒUVRE D'ANNE BALTHAZAR

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          A la fin du XIXe siècle, nombre de peintres célèbres se sont lancés dans une peinture dite "pointilliste", créant leur sujet au moyen de milliers de microscopiques poncturations. Au début du XXe siècle, Marcel Reja, Hans Prinzhorn, Jean Dubuffet, muséifiaient des artistes asilaires qui couvraient à l'infini leurs supports de lettres, tirets ou petits points… Quant à la peinture aborigène, chacun sait que le pointillisme ou "dot-painting" a largement contribué à la célébrité des œuvres réalisées.

 

          Anne Balthazar, elle, a repris le principe d'un élément obsessionnel, itératif, mais elle en est venue à une affluence de minuscules figures géométriques, points, coulures, le plus souvent infimes cercles. Tantôt légèrement figurative, tantôt abstraite selon son humeur, elle peut ainsi décomposer les couleurs et la luminosité, choisir la façon de créer la dimension et la profondeur de ses œuvres : Juxtaposant toutes les nuances possibles d'une même couleur, séparées par des espaces blancs très réduits, comme son tableau où des vagues partent à l'assaut de "la terre". Ou une autre où la toile est scindée obliquement en deux parties, l'une composée de rectangles parsemés de ronds brun-foncé, translucides ; l'autre moitié  représentant un personnage géant dominant une foule d'humains si compacts qu'aucune respiration n'est possible entre les éléments humanoïdes, les uns opaques, les autres minuscules claires-voies, là encore parsemés de cercles qui, eux, sont blanc-laiteux 

          D'autres fois, réduisant les éléments de son art, elle utilise des couleurs primaires, faisant varier l'intensité des faisceaux lumineux. D'autres fois, enfin, elle se lance carrément, pointille toutes sortes de teintes chaudes et froides mêlées, sans que jamais apparaisse le moindre hiatus, car Anne Balthazar est une très bonne coloriste.

        Ces choix, pour lesquels elle sait aussi où placer subrepticement quelques "ombres", génèrent des reliefs qui, combinés à la texture, au modelé, à l'intensité des couleurs, assurent le scintillement, la re/création de la lumière et donnent aux œuvres un semblant de vie.

 

Ainsi, adaptant en mille nuances la composition de ses œuvres à l'émotion recherchée au gré du moment, Anne balthazar donne-t-elle tour à tour, un éclat de formes et de couleurs pour une promenade du visiteur à la fois colorée, vibrante, mate ou lumineuse et toute en mouvements ; ou des "paysages" entre rêve et réalité, qui mêlent souvenirs et ressentis. L'assurant ainsi de retrouver sentiment de calme, joie, tristesse… auquel il réagira selon sa propre subjectivité. 

Jeanine RIVAIS 

ANNE BALTHAZAR A ETE LAUREATE 2021 DU PRIX DU PUBLIC, EX AEQUO AVEC ANGELE.

 

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Nombre des œuvres abstraites de Chantal David sont conçues à partir d'une plage centrale très dense, irrégulière, dont on pourrait dire qu'elle est monochrome, n'était qu'elle les parsème de légères touches colorées, parfois minuscules pointillés parsemant le fond, ou tirets désordonnés inachevés. L'entour de cette masse est apparemment constitué de pâtes semi-aqueuses qui forment des sous-couches dont la présence ici fait briller une plage, là au contraire la laisse mate et ombreuse et donne l’impression de plaquer contre le fond les éléments qui composent son "histoire"… En somme, elle expérimente les contrastes volumes / enfonçures ; luminosités / empêchements de couleurs…

         

          Mais cette sorte de jeu sur l’apparence n’est pas la seule préoccupation de Chantal David : Chaque œuvre est faite de plusieurs petits espaces fermés, tantôt géométries fantaisistes, tantôt formes indéfinies, disposés sans volonté de côtoiements. Faut-il alors considérer les fonds bruns ou gris nuancés disposés de façon anarchique… ? Ou faut-il voir plutôt la forme déjà évoquée, collée dessus, en couleurs plus foncées, semblant toujours en transit ; ou admirer l'harmonie paradoxale générée par cette cohabitation ? 

Ou encore soupçonner l'artiste de se laisser parfois subjuguer par une suspicion de figuration qui introduirait alors une figure humaine, un profil canin, une tête vipérine… ?

Toute sa subjectivité dehors, au spectateur de choisir ! 

Jeanine RIVAIS

 

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           Deux démarches, peut-être, pour Isabelle Delin : celle du rêve, où elle crée dans la terre des villes imaginaires, toujours perchées tout en haut de collines/vases, construites sur le vide, donc. Néanmoins finement œuvrées, ajourées, et livrées au raku dont elle accepte les actions aléatoires. Et puis celle non pas du réalisme, mais de la réalité où elle crée des personnages aux postures très expressives, quand ils ne sont pas filiformes comme celui qui porte "Le monde sur le dos"… dans lesquels son travail et ses créations laissent apparaître sa passion et ses sentiments mélangés de gravité, d'érotisme peut-être, d'une pointe d'humour parfois.

          Mais, quelle que soit leur formulation, sculptures de terre rouge, de grès blanc ou de raku noir, simples ou sophistiquées, les œuvres d'Isabelle Delin sont, par leur totale adéquation entre réalité et fantasmagorie, porteuses d’un message intemporel d’une puissante poésie.

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : TEXTE COMPLET DE JEANINE RIVAIS : "LES ARCHITECTURES FANTASMATIQUES D'ISABELLE DELIN" : http;//jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS BANN'ART JUILLET 2019

 

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SCULPTURES ET CALLIGRAPHIES DE SYLVIE DENIZOT

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          La "calligraphie" est, étymologiquement, "la belle écriture", l'art de bien former les caractères d'écriture manuscrite. La calligraphie chinoise se singularise par l'originalité et la richesse de l'écriture chinoise. La calligraphie chinoise la plus connue est celle pratiquée avec un pinceau et permet donc un champ d'expression très large.

          Et le mot "kaolin" signifie, en chinois, "la colline du haut".

 

          "Kaolin" et "calligraphie" : voilà deux mots qui caractérisent le travail de Sylvie Denizot : Elle proposait en effet des dessins réalisés au pinceau, à l'encre de Chine, caractérisés par leur dimension expressive qui en fait la valeur essentielle et la poésie calligraphiée qui l'accompagne ; des collages ; et des peintures mêlant images, calligraphies et traits itératifs, destinés à en éloigner la lecture.

 

          Mais aussi, elle proposait une installation qu'elle décrit elle-même longuement et très précisément :

          "Espace du dedans : Une toile de coton écru, accrochée au mur. Dessus, dessinées et peintes, noires et blanches sur fond vert, des écritures mêlées, gestuelles, illisibles. Flottant dans l’air à l’aide de fils de lin, des sachets de thé, sculptures en porcelaine, entrent en résonance avec les écritures sur la toile.

          Espace du dehors : Entre deux piliers en pierre, une vigne suspendue à des fils de fer, un pommier.

          Entre les deux espaces : une fenêtre, ouverte. Le regard va et vient. Entre intérieur et extérieur, une conversation s’engage. Poésie de l’échange. Une histoire peut commencer".

 

Une histoire poétique qu'elle mène depuis des années. Qui l'emmène vers une civilisation lointaine grâce à deux disciplines intimement liées dans son esprit. Dont elle a personnalisé les codes, car derrière la beauté pure de chaque trait de pinceau, à travers l’alternance de vigueur et de fluidité, d’ombres et de lumières, transparaît le souffle de la vie.

Jeanine RIVAIS

 

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          Hervé Fogeron, dessinateur, s'est attaqué longuement aux métiers, chaque artisan arborant les outils de sa profession : le boulanger sa miche ; le serrurier un pêne etc.  Personnages tracés à grands traits et gestes rapides. Mais le monde du travail n'est pas le seul sur lequel il a posé sa griffe : les festivités également, comme "Le renne de Noël" tout enguirlandé qui d'un air rigolard se pourlèche les lèvres, à croire qu'il est le cuistot et… imagine-t-on qui est dans la cocotte ? Et puis, inéluctable, voici la mort discutant en toute convivialité avec un confrère, tous deux écrabouillant des crânes humains ! A la vie, à la mort, donc, pour cette création à la fois inattendue et tellement proche du quotidien ! Et, Subséquemment, peut-être, il part à la recherche de visages âgés, ridés, brutalement crayonnés, criant, hurlant parfois, de douleur ? de désespoir ?... 

          Revient-il parfois à ses anciennes amours, la sculpture, il reste dans le quotidien (la douche ou le bain, la couture…) de femmes aux anatomies solides, seins plantureux, grands yeux étonnés ; d'hommes aux gestes maladroits, aux visages sans complaisance ; aux voisinages apparemment difficiles, à en juger par leurs doigts crispés, leurs index pointés, leurs mains ramenées vers leur poitrine comme pour prendre à témoin… qui ? La vie, bien sûr ! 

Jeanine RIVAIS

 

VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : Banne 2012.

Et : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS : 6e BIENNALE DE SAINT-ETIENNE 2018

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/Rubrique FESTIVALS. BANNE MAI 2018. LIEUX ET EXPOSANTS

 

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PASSE ET PRESENT, COULEURS ET LUMIERE CHEZ ROXANNE GAUTHIER

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Que peut ressentir un artiste qui arrive en un lieu insolite, parfaitement inconnu qu'il devra faire vivre le temps d'un weekend ? Apparemment, Roxanne Gauthier n'éprouve aucune difficulté à se l'approprier, même lorsqu'il s'agit d'une très vieille maison fermée depuis des décennies, aux tomettes plus ou moins régulières, et aux murs couverts de lambeaux de papiers !! Spontanément, elle sait le "décorer" pour mettre en valeur sa vision personnelle, le "portraitiser" en somme !

D'autant que ses apports auraient pu appartenir à la maison en question, faire partie de la vie des habitants de naguère. Car cette artiste est avant tout récupératrice. Et ses glanes portent sur de vieux postes de TSF, vieilles boîtes de métal ou de bois, vieilles valises, robinets anciens comme ceux d'autrefois dans les lavabos collectifs près des dortoirs des internes !... Tous objets qu'elle peut transformer en supports ou en cadres pour ses photographies.

 

          Car Roxanne Gauthier est photographe. Et ses créations elles aussi, pourraient appartenir aux albums d'antan. Couleurs fanées, parfois sépia, murs aux papiers éteints, à fleurs comme il était de bon ton d'orner chaque pièce. Portraits légèrement floutés comme si le temps avait fait son œuvre et amoindri la netteté de l'image. Pas de sourires sur les visages, comme à l'époque où seuls les moments importants d'une vie étaient immortalisés, devenant ainsi témoins patrimoniaux.  

          Et puis, dans un souci ethnographique peut-être, ses personnages essentiellement féminins ont des langueurs passéistes : tandis qu'au mur le carillon rythme les heures de son air particulier, une femme enturbannée (le turban revient souvent dans ses photographies) aux bottines montantes sur des bas noirs, est allongée mollement sur un divan. Une autre, parlant à un visiteur en off, est assise, sa jupe étalée sur une pile de couvrepieds et un couvre-lit à volants. Une chiromancienne au visage dur, au bras solide à l'avant-plan, son boa à rayures enroulé autour de son cou, ton sur ton vert avec sa robe en dentelle, dit la bonne aventure sur fond ocre jaune dépourvu de tout décor. Une paysanne en jupe longue joue dans les herbes folles, à cache-cache avec le visiteur. Une femme languide s'abrite derrière son éventail richement brodé révélant l'amorce d'une épaule nue ; boucles aux oreilles et dans le nez ; longues mains fines terminées par des ongles vernis ; visage lourdement maquillé et bouche peinte d'un rouge vif débordant de chaque côté ; dans les cheveux des fleurs assorties à celles de l'éventail. etc.

          Toutes ces "scènes" encastrées dans la façade de la TSF, le couvercle de la boîte, à même le mur, dans une encoignure où l'encadrement d'une cheminée vétuste. Et le visiteur prend alors conscience du sens de l'éclairage que possède Roxanne Gauthier : lumière chaude, venant du dedans ou de l'arrière, de façon à accentuer ou au contraire atténuer l'expression de ses personnages. De sorte qu'il va l'oublier, alors qu'elle joue un rôle aussi important que les couleurs choisies par l'artiste.

 

          Une œuvre puissante, originale, une imagination unique. Un style indéfinissable. Roxane Gauthier, une artiste conviviale, d'une présence forte, possédant une façon bien à elle de plonger avec tendresse dans le passé, et l'exprimer dans la contemporanéité. 

Jeanine RIVAIS

 

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          Les compositions de Patrick Grosset sont disposées en aplats géométriques ; chaque forme est conçue en des variantes de couleurs grises monochromes ou finement hachurées avec parfois, par audace pour créer un contraste, un rectangle rouge sous lequel se devine du jaune, ou couvert de taches noires indéfinies. Toutes formes disposées de façon à jouer paradoxalement avec la lumière.

Ces reliefs peints proposent des éléments juxtaposés ou se recouvrant partiellement. Le motif, selon les œuvres, est triangulaire, trapézoïdal, en équerre… alternant des rythmes horizontaux, ou des dominantes verticales ou obliques. Générant ainsi un équilibre rigoureux. 

Dans le même temps, Pascal Grosset crée des figurines de terre rouge qui le ramènent plutôt vers l'artisanat. Petits animaux ébauchés plutôt que sculptés, bustes humanoïdes plus évocateurs, têtes taillées à grands traits de la spatule, ils présentent eux aussi des plages abstraites qui les apparentent à la sobriété des peintures.… 

Deux démarches dépouillées, linéaires. Peintures et sculptures, autant d'œuvres qui témoignent de la façon bien à lui qu'a Patrick Grosset de rencontrer le monde. 

Jeanine RIVAIS

 

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          Nombre d'adeptes de la photo ont abandonné le numérique pour venir ou revenir vers la photographie argentique, pourtant beaucoup plus onéreuse, plus longue à obtenir. Ce faisant, ils ont renoncé à la couleur qui flatte l'œil et préféré les expériences en noir / blanc, clair / sombre. Ils ont su, comme l'affirment de grands photographes, "apprendre à voir en noir et blanc et composer avec l'alternance de l'ombre et de la lumière". Et puis, comme le déclarent des passionnés, dont LEM, il y a un plaisir sensuel à tenir en main de vieux boîtiers ; obtenir une image carrée, s'isoler dans son cabinet noir pour pratiquer les émulsions et les diverses phases techniques et voir apparaître comme par magie le sujet développé ; refuser la réalité, le réalisme en créant des contrastes, des perspectives et des lumières afin de laisser place à l’imagination ; renoncer à la netteté du numérique pour jouer avec les flous, les champs ; recréer des émotions que devra sentir le visiteur.

          Telle est la démarche de LEM qui parcourt le monde  pour découvrir "l'extraordinaire (qui) peut se cacher dans l'anodin" et proposer à son public, tel univers urbain, l'humour de deux chats absolument identiques assis sur leur derrière devant une carriole, d'un moine séculaire encapuchonné sous le bras duquel un plaisantin a placé un téléphone, l'air roublard de son "mendiant kayasan" dont la sébile est pleine de billets… Revenir à des moments plus graves, comme cette femme en robe longue, scrutant l'horizon , cette autre devant sa fenêtre, minaudant en montrant son gant et sa capeline en dentelle… En venir à des précisions d'entomologiste en immortalisant une feuille de peuplier qu'un caprice du vent a déposée dans un anneau métallique fiché depuis des siècle dans un vieux mur.

  S'impose aussi  la préoccupation de l’ambiance : Amoureux du beau, de l’insolite, du typique, LEM l’est avant tout de la lumière : il aime les éclairages hivernaux créant un contraste entre la dureté d'un poteau clouté et le flou de ses "fantômes de la nuit" ; les petites heures matinales où se détachent sur les nuages un sapin  et un "wigwam" flambant neuf, tandis qu'au premier plan trône une antique Oldsmobile ; le temps des couchers de soleil où une jeune femme épaules dénudées marche en talons dans les herbes folles entre vigne et mur lépreux … 

 

 

          Ainsi, ayant appris à “regarder”, LEM s’est-il peu à peu intéressé aux paysages banals, aux scènes inattendues ou naïves. Des images plein la tête, il est encore capable après tant d’années, de porter un regard neuf, une écoute passionnelle, sur des points événementiels ou des petits moments de vie. Bref, sachant faire surgir toute la poésie d'un petit rien, il est le photographe de la vie qui met derrière son objectif toujours vigilant, son coeur et sa nostalgie pour rendre compte, et son talent pour témoigner de façon tellement personnelle !

Jeanine RIVAIS

 

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           Son œil voit un objet. Immédiatement, Eric Mappa décide qu'il "doit" le glaner. Parfois, comme tous les artistes d'Art-Récup', il le considère sans doute en se demandant : "Mais qu’est-ce que c’est ???". Ce ne sont que des cartons, des vieux papiers, des fragments de tubes et tubulures, barres de fer, rouages, végétaux, etc., comme des tranches de vie passées, d’émotions d'autrui récupérées, de sentiments, de poésie. Il collecte ainsi, depuis des années, prend un morceau, le tourne et retourne, etc. Et, à un moment un tilt inattendu résonne, deux pièces se rencontrent, une forme s’enclenche…

           Mais là s'arrête apparemment le hasard : Entre en jeu le sculpteur qui travaille, torture tous ces matériaux, les imbrique, les indente, les intègre si complètement à d'autres trouvailles, que les éléments disparates forment bientôt un tout en complète harmonie. Hasard, disent les récupérateurs ! Mais, chez Eric Mappa où tout semble tellement ordonnancé, peut-on dire que ce n'est pas du tout intellectuel, qu'il n’y a pas de décision ? Lui, contrairement à la plupart, ne semble pas mêler aléatoirement les objets qu’il met en scène comme des puzzles de vie, mais au contraire il choisit, recompose/colle/peint ses trouvailles sur un support dur, les organise en des "scènes" qui le ramènent à des "villes" déshumanisées, des huis clos, des fenêtres grillagées, mais aussi -et là, peut-être, atteste-t-il d'un peu de fantaisie-, à d'étranges animaux issus de quelque point inconnu du cosmos ? 

 

      Paradoxalement, il fait preuve d'imagination lorsqu'il en vient à ce qui, de loin, semble des peintures, mais qui, de près, s'avère être en trois dimensions. Appartenant à la fois à la récup', le collage et la peinture. Partant d'une tête (de mannequin ?) dont le visage a été retiré, il fait fleurir un "bouquet" de brindilles peintes en rouge comme le corail, (à l'encre ? à la peinture ?). Un réseau inextricable de petites tiges imbriquées les unes dans les autres, à la fois attirantes par leur couleur et repoussantes par leur présence intempestive à la place du visage ! Ailleurs, c'est le crâne et le cou qui sont atrophiés, le visage levé et la chevelure drue intacts. Et c'est un entrelacs de rouages, petites tiges métalliques, etc. Et puis, à l'avant-plan de cet enchevêtrement, est exposé un cœur dont les artères naissantes sont orientées vers le visiteur ! 

 

     Chaque tableau -construction ou imaginaire- EST donc finalement, une narration : une histoire fantasmagorique, mythologique, ethnographique, technique aussi et par contraste psychologique, un peu caustique, qui déroule les mystères de la démarche d'Eric Mappa.

 

          Ainsi, comme tous les récupérateurs du monde, cet artiste recueille-t-il des objets qui ont eu une vie antérieure, qui ont été rejetés parce que plus aimés ou plus utiles, ou que la nature a usés, érodés… Et, de ces objets éphémères, il fait œuvre de création pérenne présentée tantôt sous forme de petites architectures urbaines aux géométries variables, donnant une impression de solidité, de sobriété ; tantôt dans des fantasmes issus de mythologies personnelles. Au visiteur de démêler les écheveaux de ce temps tellement particulier. 

Jeanine RIVAIS

 

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         Dégagée de toutes appartenances à un style, à une mode, Michèle Millerot est apparemment une exploratrice qui, au fil des années a prospecté la sculpture, la peinture, le travail du fil de fer, du tissu et du papier, mais aussi l'écriture. Et s'est lancée récemment dans un surprenant travail mémoriel qui semble combiner toutes ces matières à la fois.  Créant à chaque tentative une démarche bien à elle. Veillant à ne se laisser freiner par aucune limite, ne céder à aucun préjugé, ne s'arrêter à aucune difficulté ou contrainte : créer en somme, en toute liberté. Travailler en respectant le matériau qu'elle a choisi par prédilection du moment, trouver les éléments qui produisent en elle une harmonie essentielle. 

          Le résultat est une œuvre protéiforme qui l'emmène vers des horizons multiples, au point que le visiteur se trouve tout surpris de se confronter tour à tour à de fildefériques silhouettes allant de la poule au poisson ou l'oiseau, au petit bonhomme naviguant en bateau au milieu d'un support présentant une fine broderie ancienne ; car Michèle Millerot conjugue ses propres broderies de tissu à celles de lointaines aïeules dont elle a été la dépositaire. 

           Et puis, à côté, au-dessous, face à face… voilà ce visiteur examinant de très figuratives maters dolorosa où l'artiste a mis toute sa tendresse ; des danseurs tout juste silhouettés, et des femmes peut-être, toutes en ventre et têtes minuscules. Tout cela en terre, ou en papier. La voilà donc récupératrice, trouvant dans le "patouillage"(¹) des réponses à son besoin profond d’assembler, donner corps, résister à l’oubli.

 

          Résister à l'oubli. Car la partie la plus surprenante et essentielle peut-être des créations de Michèle Millerot est son travail mémoriel.  De son voisinage, elle a en effet hérité de petits objets attendrissants (bavoir, minuscules bottons), mais aussi de la médaille militaire et de la robe noire d'une mère dont le fils avait été tué lors de la guerre 14-18. Imaginant la souffrance de cette mère, elle a créé une sorte d'oratoire, ajoutant à ces objets témoins de tant de souffrance, un fil rouge, symbole de la vie qui s'achève et des sculptures à la bouche tordue de douleur, nez au ciel, implorantes.

          De sa famille, elle a hérité de la chemise de son grand-oncle par alliance, Léon qui, sans que personne ait jamais su pourquoi, s'était jeté dans le puits familial. Sur cette chemise, elle a "écrit" des récits de guerre, des bribes personnelles de vies passées réelles ou fantasmées…

 

Ainsi, Michèle Millerot est-elle la créatrice d'une œuvre étrange ; l'extroversion qui la caractérise conférant à cette projection de son imaginaire sa spécificité propre. 

Peut-être peut-on s'étonner qu'elle ait ainsi abordé l'aspect privé par des œuvres personnifiant des personnages depuis longtemps disparus, leur histoire transmise de génération en génération par le bouche-à-oreille. Mais gageons que, désireuse comme elle l'est de témoigner, ayant si profondément réfléchi sur son désir de "dire", ce témoignage ait été mûrement pensé ? 

Jeanine RIVAIS 

(¹) Ce terme est employé par de nombreux sculpteurs pour exprimer le plaisir qu'ils éprouvent à manipuler la terre.

 

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          Telle une obsession ou une fantasmagorie qui le poursuivrait, la femme nue est l'unique sujet des dessins d'André Mugneret. Non pas la femme à la mode, mince et sans seins, mais la femme de naguère, bien en chair, avec des rondeurs, des cuisses solides, des seins volumineux. Pas forcément une jeunesse, d'ailleurs, parce que, parfois, ses seins pendent un peu ! Et puis, comme il n'est pas bégueule, le Mont de Vénus est toujours poilu, quand ce n'est pas le sexe qui est franchement exposé : la femme dans tous ses états.

 

          A partir de là, André Mugneret agit selon un paradoxe : Car le trait est d'une netteté, d'une férocité parfois surprenante par l'absence de concession, fouissant le moindre détail, le moindre repli, la moindre boucle de la chevelure, la moindre ombre sur une cuisse levée, la moindre lumière sur un bras replié… Mais toutes ces belles académies baignent dans une brume laiteuse qui les adoucit. Ainsi, l'artiste crée-t-il, par décalages successifs, des œuvres aux multiples mystères, générant une dramaturgie du regard et de la lumière, pour cerner autant l'intimité que l'universalité de ses personnages.

 

          Tout cela réalisé au crayon de couleur, avec une pointe de fusain, ces outils rudimentaires attestant du talent du dessinateur. La femme, donc, toujours au centre de la toile, avec un minimum d'éléments créant une ambiance. Subséquemment, le spectateur comprenant qu'elle n'est pas anodine, se demande quel(s) symbole (s) elle représente aux yeux d'André Mugneret ? 

Ici, sa main droite effleure un buste d'homme placé au sommet d'un socle auquel est accroché un manteau bleu couvert de fleurs de lys, le socle reposant sur un piédestal sculpté en bas-relief. En filigrane, apparaissent ce qui semble être une lampe-tempête derrière la jambe de la femme et de dos une partie d'une houppelande : s'agirait-il d'un individu royaliste, cherchant la lumière, la vérité ? Ou mieux, ce buste serait-il celui d'un roi, à cause du manteau ? A qui appartient cette houppelande ? Et la femme peut-elle l'aider, alors qu'elle a été décapitée et que sa tête est remplacée par un bouquet de fleurs ? Incapable donc de réflexion, n'aurait-elle que ses attributs féminins à offrir ? 

          Là, elle est allongée sur le dos, mais ses cuisses sont déportées vers sa gauche. Ses bras, à peine amorcés, sont levés. Son visage est enfoui dans sa chevelure. Est-elle en souffrance ? Car semble piquer au-dessus d'elle un avion de la première guerre mondiale. A son côté, sur une branche de chardon, une petite souris de BD parle à un animal menu indéfini ; tandis qu'un oiseau minuscule la regarde. Sachant que seuls, l'oiseau et l'avion sont en couleurs, l'avion en rouge, faut-il conclure que la femme est partagée entre peur et sérénité ? 

          Ailleurs, un pied posé sur un tabouret, elle est devant un buisson de fleurs dans lequel se dessine une sorte de monstre préhistorique. Elle tient une pomme à la main, d'autres gisent à ses pieds ? S'appelle-t-elle Eve ??

          Ailleurs encore, totalement offerte, elle est allongée devant un bonsaï au-dessus duquel vole un oiseau à peine décelable, tandis que de l'autre côté le bec d'une huppe fasciée pointe vers le mot JORD : que signifie cette scène ? Que signifie ce mot ? 

 

          Ainsi le visiteur peut-il à l'infini s'interroger sans forcément trouver de réponse, sur la démarche d'André Mugneret. D'autant que les sculptures de terre sigillée qu'il présente également sont toutes consacrées à la femme nue ; mais elle n'est plus allongée, elle est assise, jambes croisées ou repliées à toucher le visage ; resserrée sur elle-même. Elle tient dans ses bras un jeune bouc ! Le bouc dont chacun sait que, dans toutes les mythologies, il symbolise le diable !!

 

          Il s'agit donc bien, pour André Mugneret, de consacrer sa vie à une ode à la femme nue, autour de laquelle il élabore une histoire, des histoires où l'érotisme n'est pas le but premier, comme il pourrait sembler face à tant de nudité. Une œuvre d’une totale originalité ; d’un réalisme illustrant sans douceur des fantasmes ; fascinante en même temps, du fait de son caractère obsessionnel ; intemporelle malgré sa connotation un tantinet passéiste.

Jeanine RIVAIS

 

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          Quels caractères doit posséder un tronc ou un bloc de pierre informe, trouvés dans la nature, pour qu'intuitivement Marc Mugnier sache qu'il va en faire un matériau premier, ou l'intégrer à d'autres ? D'autant que sa conception sculpturale est double : "retirer" des éléments et en venir à des sphéroïdes parfaitement lisses et symétriques ? "ajouter" au contraire, de façon à parvenir en trois dimensions.

          Mais avant toute chose, Marc Mugnier est concerné par le cercle. Ainsi, peut-il allier pierre dont il met en évidence les accidents (creux, bosses, rayures…) et bois qu'il va peindre en noir pour créer un contraste qui fera vibrer chaque élément de la composition. 

          D'autres fois, c'est le peintre qui va simuler les cerneaux d'un tronc, jouant sur les différences de colorations, projetant de fins jets de matière, alliant couleurs froides et chaudes ; contrastant le calme de l'œil d'un ouragan avec la violence des spires qui l'entourent : retrouvant ainsi des formes naturelles ; replongeant dans la réalité de la nature qui est l'une de ses préoccupations. 

 

          Du cercle, il en vient à la boule à laquelle il confère son originalité à travers sa place tridimensionnelle dans l’espace. Chacun sait que la sphère représente depuis la nuit des temps mythes et divinités, pour ne rien dire du cosmos. Ainsi, même s'il n'y pense pas forcément, Marc Mugnier est-il en concordance avec les mythologies les plus anciennes, lorsque, reprenant l'adage de la nature qui a horreur du vide, il combine de petits rectangles de bois qui s'entrecroisent au centre, donnant une boule parfaite, hérissée et provocatrice par les reflets noirs tantôt mats et tantôt brillants.

Jeanine RIVAIS

 

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          Le visiteur arrivant à l'espace de Naël est accueilli par un parterre extérieur de marguerites métalliques, aux longues tiges dépourvues de feuilles, aux cœurs jaunes, aux pétales en nombre variable, rectangulaires, aux teintes presque blanches bordées de minces bandes de couleurs.

          S'agit-il pour l'artiste de l'informer qu'il va être confronté à une œuvre florale, naïve ? Auquel cas, plus grande sera sa surprise. Car il se retrouve soudain face à une œuvre toute blanche où prévaut l'érotisme. L'installation de l'artiste se situe en effet autour d'un totem qui est incontestablement un phallus, le méat du gland largement béant, dominant un ensemble d'éléments fuselés qui lui sont reliés par de fines ligatures, et qui, ornés à minima, pourraient être des spermatozoïdes. 

 

           Ailleurs, sur un socle, des éléments vermiformes d'un noir absolu, à la tête où seul se distingue un œil rond, s'échappent de trois petits vases au col étroit, en terre blanchâtre mate, aux ventres légèrement bombés sur lesquels se dressent de minuscules fleurs palmiformes et sont inscrits des mots relatifs à la végétation : "pesticides, déforestation, engrais…". Il s'agirait donc bien de vers dont chacun sait qu'ils travaillent la terre pour la rendre plus meuble. Et l'artiste se situerait non dans un système animal, mais végétal.

          Ce qui, soudainement relié à la mise en scène centrale laisse penser que le visiteur est dans la plus totale méprise : que ce qu'il avait pris pour un phallus serait en fait un pistil ; les éléments oblongs disposés autour et reliés par des fils pouvant être les anthères des étamines, voire les pétales… ce qui le ramènerait logiquement aux marguerites épanouies du parterre extérieur.

 

          Quoi qu'il en soit, système reproducteur humain ou végétal, les créations de Naël résument la vie ; et l'artiste les conçoit dans des formes plus ou moins singulières, d'autant plus fortes qu'elles sont simples, témoignant par leur austérité, de sa grande maîtrise de l'argile. 

          Et cette installation atteste en fait d'un "dit" parfaitement inspiré, comme le serait celui d'un authentique écologiste, se servant de son art pour exprimer sa pensée. 

Jeanine RIVAIS

 

 

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          Le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi, est-ce en lisant le journal intime d'un écrivain que Lucie Pattar s'est dit : "Pourquoi pas moi ? Pourquoi ne décrirais-je pas en peinture mes émotions, mes ressentis ?" 

          Et depuis lors, allant à l'encontre d'une idée répandue qui veut qu'un journal intime soit relié aux périodes de crises, voire comme dans la religion catholique, au récit de soi à l'aveu de ses fautes, et aux phases d'inquiétude existentielle, elle connaît le plaisir d'associer celui de peindre en tout temps, et de ne peindre que des choses personnelles, dans un esprit positif. C'est ainsi que sont nés ses "paysages".

 

          Hésitant entre nature réaliste et nature suggérée, Lucile Pattar ne situe ses œuvres qu'au moment du plus fort ressenti, le temps où le paysage est si puissant, les couleurs si incisives qu'elle les reçoit comme un choc.

        Si l'ensemble est concret, tous les éléments de la nature se retrouvent à contrejour sur fond vide, et se détachent sur l'horizon entre bruns et ocres, purs moments de paix, légères approches gestuelles, magnifiques combinaisons de couleurs sombres et chaudes, l'arbre revenant comme un leitmotiv dans son "dit", tantôt lourd tantôt évanescent. Suggérés, ce sont alors des partages de couleurs, entre le bleu foncé de la mer et le bleu clair du ciel. Ou de larges aplats qui s'encastrent les uns dans les autres, se poursuivent, entre noir de la terre et gris uniforme du ciel. Chaque paysage se transforme dans l'imaginaire du regardeur, se partage entre le vériste et le fugace ; toutes compositions formant un ensemble artistique et un chromatisme harmonieux.

          Spontanées, ses œuvres font dialoguer mille références éclectiques qui disent autant d'elle que de son environnement. Libre, elle n'a aucun mode d'emploi. Aucun a priori. Prendre en main son pinceau représente à ses yeux une véritable liberté d'expression qui restera la seule en adéquation avec sa vision de l'art, sa vision de la vie. Libre, ses œuvres se situent le plus souvent dans le présent, mais elle peut aussi revenir sur une émotion passée en reprenant des idées regroupées au fil des ans.

 

          Être artiste peintre, c’est mettre ses émotions sur la toile, et ne faire qu’un avec son œuvre. A plus forte raison, lorsqu'il peint SES émotions de sorte que l’œuvre devient le reflet de lui-même tel un miroir… son reflet tout simplement ! Lucie Pattar en a conscience et sait qu'une aventure comme celle-ci, aussi prenante et psychologique, elle ne la vivra qu'une fois dans sa carrière. C'est pourquoi elle s'y abandonne totalement ! 

Jeanine RIVAIS

 

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            Les femmes de Claire Pauvarel–car son monde est uniquement féminin- sont face au visiteur, immobiles comme elles le seraient face au photographe, prenant la pose, en représentation en somme ! Et tout son art repose sur la contemporanéité qu'elle leur donne par opposition au côté rétro qu'elles présentent ! 

 

          Contemporaines sont les œuvres de Claire Pauvarel, par l'approche graphique de la céramique, remarquable par les dessins très fins d'architectures imaginaires et aléatoires générées grâce au raku, et qui parcourent la surface de ses créations. Par le jeu des parties non émaillées, brutes pour les noirs et les contrastes omniprésents des oxydes qui génèrent des reflets plus ou moins métallisés. Par les courbes aussi, symboles de la beauté féminine qui sont développées et qui, mises en relation avec les angles, structurent le volume. Cet équilibre esthétique est le résultat des observations de l'artiste, de sa recherche continue de la réalité unie à l’imaginaire. 

 

            Rétro, par contre, les sculptures, par leur habillement. Car, toujours, elles parcourent la mode à travers les âges.

         Tantôt, lorsque ces femmes ne sont qu'en buste, elles osent le décolleté, et, comme les beautés du XVIIe siècle, portent un large col châle élégamment plissé. Car l'élégance est le caractère premier des vêtements réalisés par l'artiste. 

 

             Il est à noter, par contre, qu'avec de si recherchés atours, aucune ne porte de bijoux. Pour ne pas rompre les lignes qui libèrent la sensualité formelle de ses figures ? Pour montrer que cette beauté dénudée met en évidence la féminité de chacune de ses sculptures ? Ou bien, parce que, comme l'écrivait Bachelard, "Il est des natures qui banalisent les images les plus rares : ils ont toujours des concepts prêts à recevoir les images. D’autres natures, celles des vrais poètes, remettent en vie les images les plus banales : écoutez ! dans le creux même d’un concept, ils font retentir le bruit de la vie. Mais alors les poètes de la platitude se soulèveront et nous diront : nous aussi nous parlons au sens fort, au sens plein, au sens vivant. Et ils étalent les riches images, ils retentissent en de sonores allitérations. Mais toutes ces richesses sont hétéroclites, toutes ces sonorités sont des cliquetis. A toutes ces parures il manque l’être, la constance poétique, la matière même de la beauté, la vérité du mouvement", toutes qualités de choix esthétique qui ne manquent pas à Claire Pauvarel ! 

Jeanine RIVAIS

 

 VOIR AUSSI : TEXTE COMPLET DE JEANINE RIVAIS : " LES FEMMES RETRO DE CLAIRE PAUVAREL" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ FESTIVALS. BANNE SEPTEMBRE 2017 Pages des nouveaux

 

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YANN POPOVIC ET SES SURPRENANTS COLLAGES

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          Jacques Prévert, lui-même adepte des collages papier, affirmait qu’ils avaient la même fonction que sa poésie : "On peut faire des images avec de la colle et des ciseaux, et c’est pareil qu’un texte, ça dit la même chose".  Il est vrai que pour qu'un collage accroche le spectateur, l'amuse, le surprenne, l'agace, etc., il faut qu'il propose une touche d’humour, un brin de poésie, une bonne dose d’anachronisme, beaucoup de discipline tout en donnant l'impression d'une totale liberté. Longtemps snobé, médit, refusé, il est l'une des rares pratiques artistiques qui navigue allègrement entre ce que nous définissons comme grand art et comme art populaire ; ou encore, plus carrément, comme art par opposition à artisanat. Le collage se nourrit de l'infinie quantité d’images que produit la société contemporaine ou les générations passées. Il s’approprie leurs créations ; Il réconcilie des éléments qui, ailleurs, seraient inconciliables. Il absorbe tous les sujets imaginables. Il propose à l’éphémère, une nouvelle signification par la recontextualisation. Il est capable, en somme de repousser l'imagination, et en surprenant le visiteur, de le faire rêver à d'autres mondes. 

 

Ce sont tous ces aspects de la création que visite Yann Popovic dont les collages utilisent une juxtaposition de fragments existants à partir de sources disparates, indéfinies ; il reflète un désir de rendre compte du chaos du quotidien. Il vogue du collage le plus simple, (un îlot taillé (dans du papier kraft ?) aux ciseaux, posé sur une surface plane (la mer ?), et en son centre un tronc d'arbre noir penchant au-dessus d'une touffe de broussailles) ; au plus compliqué en "reproduisant" à sa façon "Suzanne et les vieillards" de Rembrandt. Silhouettant, pour la morale, les vieillards en noir devant des ruines grises ; Suzanne en blanc, mais il l'entoure de rochers gris ou noirs ; place le titre sur un non-espace ocre et utilise le centre pour glisser une phrase sibylline : "Ces mélodiques soupirs parmi les ruines-mêmes, leur donne cet irrésistible accent de sympathie et de fraîcheur virile"

          Tour à tour, il aborde l'astronomie : le personnage assis sur une chaise en train de regarder dans un télescope si proche de la lune qu'il semble la transpercer, dit aux spectateurs qui sans doute s'impatientent : "Vous ne voyez rien. Attendez" ; s'approprie des œuvres célèbres, mettant chaque fois une nuance provocatrice dans le descriptif, comme pour "Le radeau de la Méduse" de Géricault où un couple de bourgeois regarde en toute tranquillité le terrifiant naufrage ; ou encore "Le tres de Mayo" reprenant les contrastes de Goya (clair/obscur, violence/calme) pour faire ressortir l'injustice de la répression, mais il ajoute : "Ce jour-là, la porte s'ouvrira". Il devient étudiant apprenant l'anatomie humaine, jouant sur les mots et ironisant à propos de "la Région sublinguale elle-même, pour conquérir progressivement le monde", etc. On pourrait ainsi à l'infini, commenter toutes les œuvres de Yann Popovic.

          Mais les plus féroces sont celles qu'il place sous le titre "ART MAGNA LUCIS", tiré d'un très sérieux ouvrage du XVIIe siècle, d'Athanasius Kircher, et qui signifie "Le grand art de la lumière", sauf que l'auteur avait ajouté "et de l'ombre", ce qui aurait desservi le collagiste. Car, il illustre la phrase "A peine guéri, Gérard de Nerval se remet au travail" par une truie grosse et grasse, se grattant au soleil sur un panneau bancal ! Et une autre phrase "Tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles", dont chacun sait qu'elle est un leitmotiv du Pangloss de Voltaire ironisant sur la philosophie de Leibniz. A noter qu'il a bien conservé le mot "possibles", ce que ne font pas la plupart des gens optimistes tronquant par conséquent cette phrase : pour Yann Popovic, cette phrase s'illustre, sur fond de musique et de tempête par une truie et un chien queue à queue !! 

 

          Si l’emprunt aux images et objets de la vie quotidienne et de la société de consommation est la caractéristique qui rassemble ses collages, la diversité des styles et d'esprit est grande. Elle lui permet de traiter tous les sujets qu'il souhaite aborder avec simplicité, sans élaborations savantes, écartant tout ce qui, manifestement, appauvrirait son "dit". Il sait être féroce sans méchanceté, cynique sans outrager la pudeur, insolent sans être vulgaire… Ainsi, d'ironie mordante, en fausse culture, chaque collage de cet artiste reflète-t-il son psychisme, sa vision personnelle du chaos. Au visiteur de faire siennes ou de récuser les maximes de Yann Popovic !!

Jeanine RIVAIS

 

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           Est-ce parce que, dans le domaine de la sculpture, les corps se font trop bavards que Sibylle Ritter est revenue vers un monde de silence ? Un modelage architectonique qui remonte à la nuit des temps. Un monde qui a un sens profond, celui où l'Homme de toutes civilisations a représenté des constructions en modèles réduits, pour célébrer un culte, ou présenter ses offrandes ? Un monde qui, au premier abord, peut dérouter le visiteur par ces œuvres qui, seules ou assemblées, sont d'une austérité impressionnante.

          Pourtant, il n'y a rien de symbolique dans les créations de cette artiste. Il ne s'agit-là que d'architectures réinventées à petite échelle, loin de toute référence réelle, mais qui, placées côte à côte, formalisent un concept. Partant de l’argile, malléable, soumise, qui représente à ses yeux "cette possibilité unique de modeler presque sans limites et de (s')exprimer d`une manière personnelle et sensuelle, (elle) utilise ce matériel génial pour simplement transférer (ses) dessins architecturaux en trois dimensions". 

          Ses œuvres sont des constructions réduites : tours, maisons, habitat sur roulettes ou ailé sur pilotis, proposant rarement des ouvertures… Tantôt lisses monochromes, ornées de géométries répétitives ; tantôt brutes, couvertes de coulures et végétaux fantaisistes, crénelées ou raturées de couleurs bleues ou noires. Il faut à ce visiteur se pencher au-dessus pour en voir l'intérieur plus ou moins accessible et toujours en harmonie avec l'extérieur.

          Une telle conception d'œuvres si épurées est forcément tributaire de la lumière qui crée ici des ombres sur un crénelage, là des brillances sur une face, conférant à l'ensemble des créations de l'artiste un sens unique et surprenant de l'esthétique.

 

          “L'architecte, c'est celui qui dessine les plans des bâtiments, c'est aussi celui qui dessine les envies et les rêves des gens", disait Alfred de Vigny. C'est aussi le sens de l'art de Sibylle Ritter. Par ailleurs, avec ses architectures inattendues, elle parvient, par l'imaginaire et l'onirique dont elle fait preuve, à forger une connaissance engagée des problèmes pratiques de la société contemporaine, préoccupations liées à l'environnement

Jeanine RIVAIS

 

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          Qu'est-ce qu'une photographie, pour la plupart des amateurs ? C'est une image qui va leur rendre le plus fidèlement, le plus nettement possible un paysage, un portrait, etc. 

          Rien de tel pour Claire Vanvosthuyse ! Au contraire ! S'il fallait la classer, l'on pourrait dire qu'elle est de ces néo-pictorialistes qui "refusent la banalisation de leur pratique en tentant de développer une esthétique propre fondée sur le rôle essentiel du photographe" (et moindre celui de l'appareil), "et la prééminence de l'image sur le réel photographié. Privilégier en somme l'intervention humaine dans la prise de vue et la production technique des images, inaugurant par là de nombreuses manipulations en chambre noire" (¹). La photographie devient ainsi une transcription et cesse d'imiter une peinture réaliste.

          Telle est bien la démarche de cette artiste ! Travaillant en noir et blanc, elle s'acharne à résister à la beauté du paysage pour griffer tel arbre dont les branches vont devenir multitude d'infimes poncturations mêlées aux nuances de l'arrière-plan, fondues les unes dans les autres… Ce qui est peut-être la végétation à l'orée d'un bois, devient ruissellement, écume de vagues. Les pétales longiformes de la corolle cupuliforme d'une fleur au sommet d'une tige raide dépourvue de feuilles, sont bombardés par des petits cailloux blancs poussés par un fort vent latéral, tandis que des morceaux de plâtre se détachent du mur, bombardant à leur tour des toiles d'araignées qui recouvraient le vieux mur décrépit. Sous un ciel noir hivernal, des petits blocs de neige gelée se sont agglomérés entre les branches nues d'un épineux solitaire, créant une sensation de froid ; etc. Ainsi, le résultat du travail de création, apparition, disparition, usure, dégradation d'éléments de l'artiste peut-il apparaître comme des abstractions pour le visiteur qui s'en satisfait. Mais sollicite un travail d'interprétation, de re/création pour celui dont l'esprit exige de la figuration. 

          D'autres fois, elle essaie le même travail de dé/construction sur un soupçon de couleur. Et présente alors sa création comme un ensemble de collages où se côtoient arcs de triomphe branlants, pans de murailles fragmentés, linge accroché sur un fil, buissons, etc. L'imagination du visiteur faisant le reste ! 

Un travail créatif original, surprenant, tentateur, suggestif comme ces souvenirs qui nous échappent lorsque l'on croit les saisir ; abîmé comme par le temps qui aurait érodé tous contours de sorte qu'aucun angle aigu ne subsiste ; générateur d'émotions intemporelles, d'attendrissement et de surprise !

Jeanine RIVAIS

(¹) Wikipédia.