HOMMAGE À SALVATORE GALLO, ARTISTE INTERNATIONAL

AUTOUR DE LA DONATION DE SES ŒUVRES 

A LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE LA VANNE ET DU PAYS D’OTHE

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           Imagine-t-on la surprise d’une mordue des arts marginaux lorsque, ayant lu dans un journal qu’un « artiste du bord des routes » (ce terme consacré habituellement à l’Art brut), vivait dans un hameau de la commune de Bagneaux dans l’Yonne, elle découvre l’œuvre d’un artiste de réputation internationale, réalisant des œuvres admirables ; et apprend que l’artiste vient de décéder peu avant ? 

          Enthousiasmée par ces œuvres -des sculptures, surtout-, j’avais dans la foulée, écrit ce texte, dès 1996 : 

LA CREATION ou LA PIERRE QUI TUE, de SALVATORE GALLO, sculpteur

(1928-1996).

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         oujours, Salvatore Gallo a “bougé”, allant de sa Sicile natale à quelque île perdue d’Amérique du Sud où il rencontra Siqueiros ; aux Etats-Unis ; en France, etc. De même, l’artiste a-t-il sans cesse traqué dans ses œuvres, le mouvement. Bois, pierre, marbre, bronze... ont pris entre ses mains des courbures douces et élégantes, au grain raffiné : Oiseaux tendant vers l’infini leurs ailes déployées ; sportifs bandant tels des arcs, leurs corps déliés ; couples longilignes, enlacés en volutes ascensionnelles, hochant légèrement leurs visages minuscules, confondus, à peine ébauchés ; anatomies filiformes, nucléées, articulées sans que jamais le moindre angle droit vienne durcir les rythmes serpentins. Du cou du cygne sinuant avec sa grâce légendaire vers les seins galbés d’une Léda aux hanches généreuses ; à un homme agenouillé noyant son visage dans les rondeurs d’un ventre féminin... tout, dans l’œuvre de Salvatore Gallo, est harmonie, à la fois plénitude et ductilité des formes. Comme chez ses prédécesseurs, Brancusi et Laurens, s’impose la relation entre surfaces, volumes et espace investi par la sculpture. Chaque relief, chaque anfractuosité multiplie les variations de la lumière, donnant à ses créations une connotation poétique ; générant un art sensuel et sensible issu d’un esprit profondément humain.

          C’est pourquoi la sculpture titanesque posée au bord de l’autoroute, intitulée « La Création », à la fois synthèse et contrepoint de l’œuvre de toute une vie, apparaît comme une totale surprise : Issue d’une pierre de grès quarté et de pyrite, lourde de trente-cinq tonnes, excavée par les ouvriers au hasard de leurs déblaiements et dont la provenance est inexpliquée dans la géologie ambiante, cette composition pèse de sa masse picturale symbolique et de son rôle létal sur l’artiste qui y consacra les quatre dernières années de son existence. C’est pourquoi j’avais intitulé ce texte : « La Création ou la Pierre qui tue ». 

          Conçue en ronde-bosse, elle représente Adam soutenant un œuf énorme sur l’ellipse duquel s’étire lascivement Eve. Entre les deux est assise une femme tenant dans ses bras ses enfants, tandis qu’un homme est penché sur elle. L’osmose est si profonde entre les protagonistes de cette scène, portés par une colombe, que les deux têtes adultes n’en font qu’une, et que celles des enfants sont les seins de la mère. Intimement soudés, se prolongeant les uns les autres, cuisses solides, flancs rebondis, sexes en évidence, ces personnages sont parfaitement lisses ; chaque muscle, chaque membre profondément intaillé, de façon à ressortir de très loin. Par contraste, l’œuf est resté brut, buriné ; les coups du ciseau, les accidents de la pierre ont été laissés en évidence, comme reflétant le passage du temps à la fois sur le matériau et le corps du sculpteur qui, emporté par la maladie, n’a pu mettre son nom sur cette Création paradoxale, posée sur la plaine comme son ultime signature !

Jeanine RIVAIS

 

          Salvatore Gallo était né le 7 janvier 1928 à Vittoria en Sicile ; et mort le 12 juin 1996 dans le 7e arrondissement de Paris. Il est enterré au Cimetière du Montparnasse. Il était le père de plusieurs enfants issus d'unions différentes dans des pays différents : Il avait été marié trois fois. 

          Madame Léveillé-Gallo, héritière d'une partie de ses œuvres, a fait donation d'une centaine de sculptures et peintures à la Communauté de communes de la Vanne et du Pays d'Othe. Certaines ont déjà été installées dans quelques communes ; la plupart ont été précieusement déposées en réserve ; Une demi-douzaine d'entre elles ont été exposées pendant deux mois dans la salle de l'Office du Tourisme de Villeneuve-L'Archevêque.

          En 2016/2017, l’attribution des sculptures de la donation apparemment terminée, mon texte étant le seul sur Internet à célébrer cet artiste, j’avais été invitée par l’Office du Tourisme à présenter une conférence que j’avais intitulée « Salvatore Gallo et la forme en mouvement ». 

          Pourquoi ce titre "La forme en mouvement" pour l'exposition ?  Il s'agit de mettre en question le rythme de l'œuvre. Expliciter le rôle que joue ce rythme dans l’organisation du sens de l'œuvre. Cette notion s’est imposée en particulier pour décrire des textes qui ne présentent aucun signe de mesure régulière, comme certaines poésies contemporaines. Ces dernières décennies, ces présentations anarchiques ont remplacé un rythme fondé sur la régularité (les vers, les strophes…) à laquelle le lecteur était habitué depuis des siècles. 

         En sculpture, cette expression "La forme en mouvement" ne pourrait être employée pour aucun des sculpteurs traditionnels qui reprennent à l'infini la même démarche réaliste pour chacune de leurs œuvres. 

        Dans l'œuvre de Salvatore Gallo, la forme n'a rien de définitif, ni de réglementaire. En témoigne, une définition qu'il en donne : "Je suis très attiré par les métamorphoses d'un volume. C'est-à-dire qu'à chaque angle de l'objet, on trouve une nouvelle forme, un mouvement nouveau. Tout doit toujours être en mouvement". Paradoxe, car une telle volonté pourrait impliquer une débauche de courbes, contre-courbes, angles, etc. alors que toutes ses œuvres sont d'une sobriété exemplaire ! 

          Les années ont passé, l’Office du tourisme a fermé ses portes, pour ne rouvrir qu’en 2025 sous le titre de « Bureau d’information touristique ». Lequel est devenu le passeur des oeuvres peintes qui rejoindront la réserve à la fin de l'exposition. 

           Invitée pour une nouvelle conférence, il s’agissait cette fois de fouir les peintures et voir si elles étaient aussi importantes à ses yeux que les sculptures. Etude au terme de laquelle j’en suis venue à la conclusion : « Il semble bien que les peintures de Salvatore Gallo soient loin du mouvement qui caractérisait ses sculptures. Nombre d’entre elles sont d’ailleurs essentiellement non figuratives et complètement statiques. Et l'utilisation de symboles, qui ne sont pas toujours clairement déchiffrables prouve qu’il était moins soucieux de profondeur de sentiments, d’émotions qu’en sculpture. Toutes ses œuvres sont parfaitement construites, mais les sentiments y sont secondaires. 

          Nous dirons donc que ses peintures sont en fait une création tout à fait à part des sculptures, conçues dans un autre état d’esprit. Sans pour autant être dévalorisées aux yeux du spectateur. Car chacun ne peut être qu’impressionné, -et un texte de l’artiste, sorte de testament esthétique et humain daté du 2 juin 1979 le conforte,-  que la base de ses problèmes tiendrait essentiellement à l’idée d’inculquer à ses créations, une « vibration tragique et lyrique » ; une « conception sans concession » ; des compositions où se retrouvent « toutes les recherches qui peuvent les rendre plus esthétiques de prime abord ».Et en aucun cas douter de l’infinie honnêteté intellectuelle de Salvatore Gallo : « Jamais au grand jamais je n’apporterai dans mes œuvres une allégorie de la fausseté. Jamais au grand jamais je ne pourrai incorporer un mouvement irréel et mélodramatique. Jamais au grand jamais je n’arrêterai de transmettre ce message humain que mon cœur dicte à ma main, quand je propose les différents dessins qui sont nécessaires aux artistes pour l’exécution de leurs œuvres ».  

           Il est bon qu’à la confirmation de cette donation, les sculptures et les peintures de Salvatore Gallo ressortent de l’ombre dans laquelle la réputation et le talent de cet immense artiste s’endormaient progressivement. 

 

           Allez voir cette exposition à Villeneuve-L’Archevêque. Elle dure encore une semaine ! J.R.

Bureau d’information touristique : 36-38 rue de la République. 89190 Villeneuve-L’Archevêque. patrimoine.ccvpo@gmail.com Tourisme : tourisme@ccvpo.fr. Tél : 03.86.88.58.52.

 

« La Création » de Salvatore Gallo est visible en permanence sur l’aire de repos de VILLENEUVE -L’ARCHEVEQUE (Yonne), le long de l’autoroute A5.

 

Les deux textes de conférences sont à voir SUR LE SITE : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUES ART CONTEMPORAIN et CONFERENCES

Photos Michel Smolec