Parallèlement à l’exposition de peintures/sculptures qui proposait en 4 lieux devenus incontournables (L’atelier des Meurets, les deux parties de la Maison de la Montagne, et la Mairie) les œuvres de 19 artistes, il y eut, menés par deux d’entre eux, des ateliers d’enfants.

PRAZ SUR ARLY : FESTIVAL 2003

UNE MANIFESTATION ARTISTIQUE, UN COUPLE FONDATEUR, UNE CONVIVIALITE

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CINQ QUESTIONS A PASCAL REY, INSTITUTEUR A PRAZ SUR ARLY

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Sans l'atelier animé par Hervé Aussant
Sans l'atelier animé par Hervé Aussant

          Jeanine Rivais : Monsieur Rey, Je vous trouve en train d’animer un atelier de gravure, au milieu des machines prêtées par Hervé Aussant qui était présent ici, il y a deux ans le même atelier. Cette animation fonctionne-t-il maintenant à l’année ? Et voulez-vous me parler un peu de vous ?

          Pascal Rey : Je suis arrivé à Praz-sur-Arly à la rentrée dernière, et c’était ma première année d’enseignement. Je connaissais de nom le festival, parce que je venais souvent en vacances dans ce village. Mais je ne m’y étais pas vraiment impliqué. 

          C’est à la suite de la proposition de Paulette Chabaud de faire intervenir Hervé Aussant que je ne connaissais pas non plus, que j’ai accepté d’entrer dans la ronde ! Me lancer vraiment dans l’inconnu. Le travail s’est déroulé sur une semaine. En sachant que chaque enfant a consacré quotidiennement une heure et demie de son temps à travailler sur les gravures, sous la houlette d’Hervé. Nous avions choisi pour thème « La Flore » parce que nous voulions offrir un petit album sur ce thème à une personne qui avait, toute l’année, aidé à emmener les enfants en montagne. 

          Hervé Aussant a l’habitude de travailler avec les enfants. De plus, la gravure était une occupation tout à fait nouvelle pour eux. Les matériaux, le métal en l’occurrence, étaient tout à fait nouveaux. Les outils, comme la pointe sèche également. Et la presse les a beaucoup fascinés. Donc, cet univers qu’ils découvraient, les a beaucoup intéressés. 

 

          J. R. : Puisque vous avez un regard vierge sur ce festival, quelle définition en donnez-vous ?

          P. R. : Je donnerai plusieurs définitions, car je trouve certaines œuvres proches de l’Art primitif. D’autres me semblent abstraites…

 

          J. R. : Vous m’étonnez en disant que les œuvres exposées ici sont abstraites. Je vous rétorquerai pas une ne l’est. La plupart ne sont pas réalistes, mais aucune n’est uniquement formelle. Quelle est votre définition de l’abstraction ?

          P. R. : Certaines font appel à l’abstraction. Chaque fois que je vois une œuvre, je me demande ce qu’il y a derrière ; ce qu’a voulu dire l’artiste…

 

          J. R. : Il me semble alors que vous confondez abstraction avec imaginaire, fantasmagorie. 

          P. R. : Oui, c’est vrai. Je confonds…

 

       J. R. : Que vous a, dans ces conditions, apporté ce genre d’art auquel vous n’étiez pas habitué ?

        P. R. : J’aurais du mal à répondre. Je me pose justement toutes sortes de questions à ce sujet. Il y a certaines œuvres dans lesquelles j’ai du mal à rentrer. J’ai du mal à m’exprimer dessus. Pour d’autres, c’est plus facile, comme les œuvres d’Isabelle Bonafoux que j’aime bien. Elle emploie des couleurs qui me plaisent. 

        Par contre, je suis sûr que je n’aurai plus jamais le même regard sur une œuvre d’Hervé Aussant. Je connais maintenant son travail. Mon œil s’est exercé dessus, et je suis capable d’avoir un regard plus critique. Cet abord me semble important. Je suis capable de porter un jugement dessus, apprécier la maîtrise avec laquelle il les a réalisées. Mais je n’ai jamais touché à la plupart des autres.

L'atelier de fabrication des gravures d'enfants
L'atelier de fabrication des gravures d'enfants

          J. R. : En somme, vous êtes plus réceptif à l’aspect travail de l’œuvre, qu’à l’aspect créatif ?

          P. R. : Oui, en fait c’est ainsi. 

 

        J. R. : Il y a deux ans, lors du précédent festival, les enfants avaient présenté une magnifique exposition de créations en terre. Cette année, ils vont faire avec Yannick Brugières des sculptures extrêmement brutes, au sens premier du mot. Avec vous et Hervé Aussant, ils vont présenter des gravures.

          Que pensez-vous que le travail de ces enfants puisse apporter à un festival hors-les-normes comme celui de Praz-sur-Arly. 

          P. R. : La plupart des œuvres des enfants sont réalistes. En ce sens, elles se détachent un peu du festival. C’est peut-être ce qui est le plus difficile à leur faire faire. Ils y parviennent parfois avec leurs gravures. Bien sûr, on sait que cela appartient à la flore, mais on ne sait pas trop de quelle fleur il s’agit. Il y a eu des effets de surprise, sans doute avec l’acide, qui ont fait que l’on pense parfois à du corail, etc. En somme, ils s’évadent un peu, et c’est ce qui est intéressant. En ce sens-là, leur travail s’intègre parfaitement au festival.

 

          J. R. : Voulez-vous dire que, contre toute attente, ce sont les enfants qui sont sages et les artistes qui sont fous ?

          P. R. : Non, parce que l’un des objectifs du travail avec les enfants, serait de les sortir de cette matérialité où ils se trouvent. Je n’ai pas vocation à leur procurer cet aspect artistique, c’est donc bien qu’Hervé Aussant soit venu le leur apporter. Peut-être, en une semaine, le résultat n’est-il pas toujours absolu, mais en tout cas, le bilan est très positif. 

 

          J. R. : Je vois des textes sur des panneaux ou sur la table : est-ce un autre groupe, ou les explications techniques qui leur ont été données ?

          P. R. : Ce sont des textes écrits surtout à partir du vécu des enfants, parce que nous avons essayé de ne pas faire seulement de la gravure pour la gravure ; mais de relier cette expérience à leur expression. Nous leur avons appris à raconter ce qu’ils ont vécu, comment ils ont ressenti cette aventure. Puis nous en sommes venus à l’expression écrite. C’était un ensemble très complet. Et d’autant plus positif qu’Hervé Aussant a su sortir de son monde de la gravure pour leur apporter son aide dans toutes les expressions possibles. Il insistait beaucoup sur la nécessité de certains comportements : certes, il y a le plaisir de la gravure, mais il faut de la discipline : après la séance, il faut tout remettre en ordre, etc. Les enfants ont accepté ces codes. 

 

        J. R. : Y a-t-il des questions que je n’ai pas posées, et auxquelles vous auriez aimé répondre ?

       P. R. : J’aimerais bien que tous les deux ans, nous puissions refaire un travail similaire à celui de cette année, parce que j’ai vraiment ressenti l’enthousiasme chez les enfants. C’était une expérience que je découvrais avec eux. 

 

         J. R. : Passons donc un peu à la pédagogie. Je vais vous avouer que je suis une ancienne institutrice à la retraite. Que pendant mes presque quarante années j’ai toujours essayé d’éveiller mes élèves à l’art, et à leur niveau bien sûr, à l’histoire de l’art. Pourtant, si j’écris sur l’art, je n’ai aucun talent pour le dessin.

        Vous êtes un jeune instituteur. Ne ressentez-vous pas comme un manque en me disant que vous ne pouvez pas, seul, éveiller vos élèves au monde artistique ?

        P. R. : Si, bien sûr. Chaque « professeur des écoles », puisque c’est ainsi que nous nous appelons maintenant, devrait être capable d’enseigner toutes les matières. Mais je pense qu’il y a des limites à ce souhait. Je crois que mon métier doit me donner les moyens d’en venir là. Je me suis donné ces moyens cette année, en invitant Hervé Aussant. 

 

         J. R. : En somme, dans ce petit monde sympathique, créer par procuration ? 

         P. R. : En effet. Et cela, dans le plus grand plaisir.

 

Entretien réalisé à Praz-sur-Arly, le 2 août 2003.

 

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Les enfants présents ce jour-là à l'atelier
Les enfants présents ce jour-là à l'atelier

QUESTIONS AUX ENFANTS PRESENTS CE JOUR-LA DANS L’ATELIER 

 

     Jeanine Rivais : Vous êtes venus plusieurs jours de suite, travailler avec Hervé ? 

          Ensemble : Oui. Oui…

 

         J. R. : Qu’est-ce que vous avez fait, avec lui ?

        Un garçonnet : On a fait de la gravure. On avait des plaques de métal et des petites pointes sèches. Après, on faisait des dessins…

        Une fillette : On avait mis du vernis. Il y avait deux méthodes. J’ai oublié…

 

        J. R. : Bon, laisse ton copain répondre, puisque lui s’en souvient. Tu peux nous expliquer ces deux méthodes ?

       Benjamin : La première méthode, c’était de peindre sur une plaque de métal. On ajoutait de l’acide. Et après on y arrivait.

 

        J. R. : Mais à quoi sert cet acide ?

        Benjamin : A faire ressortir le dessin.

       Marie : Où il y avait du vernis sur la plaque, l’acide ne l’a pas rongée. Et où il n’y avait pas de vernis, l’acide l’a rongée. 

 

        J. R. : Qu’est-ce que vous avez réalisé ? Vous connaissez le mot « réaliser » ?

        Marie : Oui. On voulait réaliser un herbier pour Robert qui nous avait fait des raquettes.               C’est un vieux monsieur qui est à la retraite.

       Dimitri : En fait, Robert, il emmenait plein d’enfants en raquette. Il avait fini, il est en retraite, alors on voulait lui faire un herbier pour le remercier.

        Etienne : Mais c’est par groupes. Ceux qui ont l’étoile…

 

        J. R. : Oui, mais je voudrais que nous revenions à la gravure. Combien étiez-vous dans votre groupe ?

        Tous : Quatre ? Peut-être dix ? 

 

        J. R. : Au fond, cela ne fait rien. Vous étiez assez nombreux. Chacun de vous a eu une petite plaque ? 

        Tous : Oui. Oui…

 

        J. R. : Et comment est-ce que vous choisissiez vos fleurs, puisque vous dites que êtes allés avec Robert en montagne. C’étaient des fleurs que vous aviez vues là-bas ?

        Tous : Oui. On les a cueillies. On a essayé de les refaire. On les a mémorisées et après on a les re-dessinées sur la plaque.

        Benjamin : En fait, le maître nous a emmenés au bord de la rue, on a cueilli d’autres fleurs. On devait choisir des fleurs pour les dessiner. Il fallait les mémoriser pour pouvoir les dessiner. Des feuilles et puis des fleurs. 

 

        J. R. : Quand vous en êtes venus à la gravure, c’était un travail agréable ? 

        Les enfants : On les mémorisait pour pouvoir les définir : des feuilles, des fleurs, des tiges…

 

J. R. : Mais est-ce que c’était seulement du plaisir ? Je vous que vous êtes tout propres, tout beaux. Est-ce qu’il n’y a pas eu des moments où vous vous êtes un peu salis, tout de même ?

Les enfants : Non, parce qu’on avait des grands tabliers. C’est seulement quand on a mis le vernis qu’on s’est tout mis dessus !

        J. R. : Vous êtes contents d’avoir tant travaillé ?

(Un oui unanime)

        Vous êtes déjà allés voir les œuvres des peintres et des sculpteurs qui exposent en ce moment ? 

        Les enfants : Oui. Non. Oui.

 

        J. R. : Toi oui. Les autres, il faudra y aller avec vos parents.

         La fille : Oui. On est allé à la mairie voir un monsieur qui faisait de la gravure comme nous. Il nous a tout expliqué. Moi, je faisais comme si je ne savais pas, mais je savais tout ! Mais ma sœur ne connaissait rien.

 

      J. R. : Et est-ce que vous avez l’impression d’être des artistes comme les gens du festival ? 

        Les enfants : Oui. Hum ! Un petit peu ! Des débutants.

 

     J. R. : Et vous avez l’intention de continuer tout seul à faire de la gravure.

        Les enfants : Oui. Ben… Moi chez mon papa on en a fait. Il avait plein de plaques de métal et il ne savait pas quoi en faire. Alors, je suis allé chez mon papy et ma mamy, et quand je suis revenu, il y en avait plein la maison. Il avait fait tout ça en une seule journée !

 

        J. R. : En somme, c’est toi qui lui as donné l’idée ?

       Le garçon : Oui. Et puis il y a un copain à Papa qui grave, mais sur le bois. Il prend une planche et il fait des vaches, des montagnes…

 

        J. R. : Est-ce qu’il y a quelque chose que vous vouliez ajouter ?

       Les enfants : On faisait plusieurs peintures par jour, et on a reproduit tout ça en une semaine. Oui. Oui. On avait plusieurs couleurs, rouge, noir, jaune, comme il y a sur l’ordinateur. Et puis, un jour, on pouvait choisir nous-mêmes les couleurs. Oui.  Tant qu’on voulait.

 

       J. R. : Et pourquoi est-ce qu’il vous a donné les mêmes couleurs par jour ?

        Les enfants : Le premier jour, il avait seulement du noir. Non, du rouge.

 

       J. R. : Et ce n’est pas parce que, lorsqu’il avait nettoyé sa machine, il ne pouvait pas mélanger les encres ? 

        Les enfants : Peut-être ?

 

        J. R. : Bon. Et bien merci. A une autre année.

Gravures des enfants présents ce jour-là
Gravures des enfants présents ce jour-là

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LES ENFANTS ET LA SCULPTURE

Le chantier de création des sculptures
Le chantier de création des sculptures

          Un entretien était également prévu avec les élèves de l'atelier de Yannick Brugière. Mais leurs œuvres terminées, ils se sont égaillés dans le village et il a été impossible de les regrouper. 

          Dommage ! Vu l'originalité de leurs créations, ils auraient sans doute eu beaucoup de choses à raconter ! 

          Mais leurs sculptures furent cependant brillamment représentées sur le parvis de l'atelier de Louis Chabaud où se déroulèrent de multiples "réunions au sommet" et les fêtes de fin de festival.

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MANIFESTATIONS POPULAIRES

          Le soir du vernissage, un défilé aux flambeaux eut lieu le long de la rue principale de Praz-sur-Arly ; puis un orchestre de jeunes de la région agrémenta la soirée.