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VLAMINCK : « UN INSTINCT FAUVE ».

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Maurice de Vlaminck (Paris 4 avril 1876 / Rueil-la-Gadelière (Eure-et-Loir) 11 octobre 1958).

            Maurice de Vlaminck est le fils d’un violoniste et d’une pianiste. Il passe son enfance au Vésinet. Il réalise ses premières peintures vers 1893. Mais, pendant des années, il gagne sa vie comme violoniste ou en participant à des courses cyclistes. Il se marie et a trois filles.

En 1900, il partage avec André Derain, un atelier à Chatou. En cette période de remises en question sociales, et de questionnements sur l’art, les deux peintres travaillent à une redéfinition de la peinture paysagiste. Autodidacte, Vlaminck refuse de faire des dessins préparatoires, d’aller dans des musées faire des copies, afin de préserver intacte son inspiration. Pourtant, en 1901, lors d’une exposition Van Gogh, il est frappé par la violence chromatique du Hollandais qu’il essaie désormais d’imiter : « J’aime Van Gogh plus que mon père », dit-il. Et, avec Derain, il mène quotidiennement des recherches qui le conduisent à pratiquer de plus en plus des couleurs pures. De tempérament instinctif, très spontané, il les étale avec violence, pratique avec passion une peinture totalement subjective. Il devient en fait, à défaut du plus subtil, du moins le plus sincère de ceux qui, très vite, vont être baptisés « les fauves » par un journaliste. C’est l’époque où il peint « Les jardins de Chatou » (1904) ; « Les Remorqueurs sur la Seine » et « Le paysage aux arbres rouges » (1906)... Il se livre totalement dans l’expression, « pose » sur la toile ses pensées, ses sentiments, ses peurs et ses révoltes : « J’ai ainsi satisfait à ma volonté de détruire les vieilles conventions, de désobéir… Ce que je n’aurais pu faire, si ce n’est en jetant une bombe, j’ai pensé à le réaliser par la peinture, en utilisant au maximum la couleur pure ». Outre les paysages, il fait une série de « portraits vrais comme des paysages vivants », des femmes vulgaires, aux maquillages outranciers, cigarettes aux lèvres, « La fille au Rat mort » (1905) et le « Portrait de femme » ou « Femme au chien » (1906)...

Lorsque, en 1905, Derain quitte l’atelier, Vlaminck s’installe à Rueil-Malmaison. Cette période est financièrement difficile pour l’artiste. Chargé de famille, il en est réduit à gratter d’anciennes toiles pour pouvoir continuer à peindre (d’où peut-être, l’impossibilité de retrouver depuis lors, celles qu’il avait peintes dès l’âge de dix-sept ans ?) Nombre de ses amis partent dans le Midi pour travailler la lumière. Lui, reste à Rueil par goût, dit-il. Sans doute également par manque de moyens ? Mais il est certain que, lorsqu’il ira un moment les rejoindre, en 1913, il sera très mal à l’aise avec la lumière. Il est, en fait, un homme du Nord, de ses rythmes paysagés, de ses lumières.

         En 1905 également, il participe au Salon des Indépendants. Et il est (avec Matisse, Derain, Dufy, Cézanne…) de ceux dont les œuvres aux coloris véhéments font scandale au Salon d’Automne rebaptisé « la cage aux fauves » : En effet, au centre de la salle qui leur est réservée, de petites statues d'inspiration florentine font dire au critique Louis Vaux­celles qu’il est face à «Donatello parmi les fauves! ». La boutade reprise par la presse, fait florès. Et  le « Fauvisme »,  caractérisé par l’exaltation de 1a couleur pure et parallèlement la simplifica­tion du dessin ; par la volonté de faire rendre à une sensation colorée sa plus forte intensité expressive, réorganiser sur la toile le jeu autonome des formes et des cou­leurs, combattre une fois de plus, le préjugé du beau et du laid,  constitue la première révolution artis­tique du xxe siècle.

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Dès l’année suivante, le marchand de tableaux Ambroise Vollard achète à Vlaminck, de nombreuses toiles et en 1908 (Chatou, Paysage aux arbres ; Les baigneuses…) lui organise une importante exposition. Vlaminck se lie également avec Daniel-Henry Kahnweiler. Désormais, il peut vivre de sa peinture. Il débute une carrière de céramiste et participe à plusieurs expositions internationales.

C’est l’année où, souffrant « de ne pouvoir frapper plus fort », il tente d'appro­fondir la leçon de Cézanne en structurant ses compositions. Il renonce aux excès criards des années précédentes (« Les Peupliers »). Des natures mortes (Le compotier (1909), Nature morte au couteau (1909)…) s’intercalent dans les villages (Bord de rivière ;  Village à l’église …). En 1910, Vlaminck participe à la Nouvelle Association artistique muni­choise (qui allait donner naissance au Blaue Reiter), mais il se révèle incapable de profiter de ces nouveaux contacts, et de participer à l’avancée de la nouvelle génération (avec Delaunay, par exemple).

1914 : Vlaminck est profondément opposé à la guerre. Il est néanmoins mobilisé comme soldat à Rouen, puis à Paris, enfin dans les campagnes du Nord. Puis il est affecté dans une usine de la région parisienne. A la fin de la première Guerre Mondiale, il divorce, se remarie et s’installe à Rueil-la-Gadelière où il vivra jusqu’à sa mort. Incapable de s’engager aux côtés de l’avant-garde désormais prépondérante, il travaille dans la solitude qui : « est une des plus grandes vérités de ce monde… Je suis heureux tout seul, dans le vent, dans la pluie, dans les éléments, avec ma pipe… » Son style a changé, - contre-coup de cette Guerre qui a laissé sur lui une trace profonde ?-  Peu à peu, sa palette s’obscurcit. Les paysages urbains des années 1914-1915 montrent encore des maisons aux toits rouges (Village au bord de la Seine ; Puteaux). Mais déjà, les ciels sont chargés de lourds nuages aux couleurs tristes, sombres. Et, dans le silence de son atelier, il reprend inlassablement, dans une facture de plus en plus épaisse, les mêmes paysages balayés par le vent ou la neige, comme « La Maison à l'auvent » (1926), désolée et solitaire à l'image de son propriétaire. Pourtant, cette période donne naissance à des œuvres égales, par l'inten­sité de leur contenu mélancolique, aux plus belles créations de sa jeunesse fougueuse.

Au fil des  années, il s’enferme de plus en plus sur lui-même : « Si tu es peintre, ne regarde que dans toi-même », dit-il. Parallèlement à la peinture, il écrit plusieurs ouvrages d’une qualité médiocre. Puis, en 1929, il publie « Tournant dangereux », où il exprime ses insatisfactions, ses révoltes, sa passion récurrente pour la peinture et pour l’art nègre, et son admiration pour la nature.

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En mai 1939, il réunit ses amis aux « Compagnons du Tour de France », un restaurant, où ils brûlent un portrait d’Hitler qui s’est permis d’affirmer que tous les artistes de l’Ecole française étaient des peintres dégénérés. Pourtant, en 1944, il participe à un voyage en Allemagne, organisé par les autorités de la France occupée, ce qui, à la fin de la guerre, lui vaudra des accusations et une arrestation.

De plus en plus replié sur lui-même, aigri et plein d’amertume, il publie en 1953, « Paysages et personnages » où il exprime très violemment sa révolte.

En 1956, la galerie Charpentier lui organise une très importante exposition qui provoque une querelle (comparable à celle de 1905 ?) entre ses partisans qui voient en lui le maître du modernisme dans la composition des paysages ; et ses détracteurs qui le considèrent comme un traître à la peinture moderne.

Il meurt le 11 octobre 1958, de vieillesse ou de chagrin ; dans son manoir de « la Tourillière » à Rueil-la-Gadelière en Eure-et-Loir.

 

Depuis lors, aucune manifestation d’importance n’avait été consacrée à l’artiste. C’est pourquoi il est d’autant plus remarquable qu’à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, le Musée du Luxembourg à Paris, lui consacre une exposition doublement exceptionnelle : C’est la première exposition monographique axée sur les périodes fauve et cézannienne du peintre ; et la seule exposition consacrée à son oeuvre depuis 1956.

L’exposition du Musée du Luxembourg présente soixante-neuf tableaux prêtés par vingt-cinq musées et des collections particulières ; une vingtaine de céramiques et des statues d’art nègre qui faisaient partie de l’énorme collection constituée depuis la découverte de hasard d’une sculpture dans un café. Ce choix couvre la période entre 1897 et 1916. La succession des recherches de l’artiste y est bien mise en évidence, ainsi que l’extraordinaire foisonnement de ses créations pendant cette période.

 

Une exposition à voir absolument pour redécouvrir le rôle essentiel joué par Maurice de Vlaminck dans l’évolution de la peinture moderne du début du XXe siècle ; l’inventivité de ses recherches menées avec Derain, qui firent de Chatou le centre le plus actif de cette novation ; l’ « évidence » de cette œuvre influencée par le Post-Impressionnisme de Van Gogh, Gauguin, les Nabis, Cézanne, etc. et son incroyable audace qui l’a amené à une gestualité expressive, une outrance des couleurs et des déformations qui lui ont fait écrire dans « Tournant dangereux » : « Je haussais tous les tons, je transposais dans une orchestration de couleurs pures, tous les sentiments qui m’étaient perceptibles. J’étais un barbare tendre et plein de violence ».

                                Jeanine Rivais.

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CE TESTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 59 DE JUIN 2008 DE LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE