LES PORTRAITS DE GWENAËLLE CLABAUD, peintre.

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clabault 1
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Ils sont là, toujours à l'avant-plan du tableau, les portraits de Gwenaëlle Clabault. Affrontant l’intrus situé en off qui, de "regardeur" devient le regardé. Lui faisant face en arborant, encadré par des chevelures drues, un regard acéré de leurs deux yeux, seuls éléments vivants dans leur univers. Visages placés au-dessus de corps-troncs, lourds, empruntés, réduits, donc, à une gestuelle primale. Au mieux pourvus de membres collés à ces troncs !

S'ils sont "portraits peints", ils se détachent à peine, presque ton sur ton, des fonds compacts, conçus dans des verts glauques, des roses incertains ou des gris bleutés : des teintes qui contribuent au caractère dubitatif de ces créations : tout se passe comme si, à mesure qu'elle recouvrait le support, apparaissaient dans le magma, des formes évocatrices. L'artiste se rapprocherait alors de l'une d'elles. A partir de laquelle elle élaborerait une tête rectangulaire, ou une partie de visage conçu, selon son gré, à divers stades d'anthropomorphisme. Serré entre les éléments du fond, comme inclus dans cet amalgame… De sorte qu'il est impossible de déterminer si chaque personnage placé en osmose conflictuelle avec la matière, s'efforce d'"apparaître" ; ou si l'artiste décide qu'elle ne veut voir de lui que les yeux évoqués plus haut, et choisit délibérément de laisser bouches et nez en état de possible devenir ? Seule, sa "décision" de le voir "naissant" (comme dans le tableau intitulé "Cyd Charisse", au visage "complet") peut déterminer la conclusion du spectateur. Vu l'intensité de ce travail, subsiste néanmoins une forte impression de malaise devant ces faciès qui semblent autant de moments de grâce, infimes moments de vie de l'artiste, créatrice à l'égal d'un dieu. A la fois beaux et tristes, poésie du mal-être qui, tel un tourbillon entraîne Gwenaëlle Clabault très loin du quotidien… dans un sombre univers.

S'ils sont composés au pastel, les fonds sont omniprésents, laissant apparaître à grands traits les gestes de la main, verticaux semblables à des herbes pouvant dissimuler quiconque s'aventure de ce côté ; horizontaux devenant des vagues qui semblent vouloir engloutir les protagonistes !

clabault 2
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Mais aucun doute que, dans l'esprit de l'artiste, ils "résistent" tant à l'effacement qu'à l'engloutissement, CAR ce sont des gens célèbres : Certains ont un nom, comme la danseuse étoile Cyd Charisse. Pour d'autres, elle emploie le terme "Personnages", impliquant leur importance sociale ! Comme si, par ce truchement, elle-même sortait de l'anonymat dans lequel la vie l'a confinée !

Et il semble bien qu'elle soit en bonne voie, car dans cette démarche où, seul, l'intéresse le visage, elle est parvenue à une création bien à elle. Un microcosme psychanalytique intemporel, installé dans un espace indéfini, où s'expriment angoisse, introversion et gravité obsessionnelle. Tandis que, pour le visiteur qui, lors de son parcours au long de cette galerie de portraits et au gré de sa subjectivité, a simultanément aimé/refusé, questionné/suggéré… le point d'interrogation reste majuscule. Mais n'est-ce pas l'apanage de toutes les œuvres puissantes, qu'elles ne se laissent jamais tout à fait pénétrer ?

                                                                                  Jeanine Rivais.

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MUSEE DE LA CREATION FRANCHE : 55 avenue du Général De Lattre De Tassigny, 33130 Bègles. Tél : 05.55.85.81.73.

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