PEREGRINATIONS MENTALES AU PAYS DE GIUSEPPE BAROCCHI, dessinateur.

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barocchi 1
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A quand remonte la fascination ? A quel moment s'est-il lancé à corps perdu dans le récit de "ses" guerres ? Un artiste reste pour toujours un enfant qui se donne les moyens de réaliser les rêves qu'il n'a pas eu l'occasion d'accomplir auparavant, avec une volonté de raconter des histoires. Des histoires en images. Dans le cas de Giuseppe Barocchi, à contempler la teneur de ses tableaux, ses rêves ont pu n'être que des cauchemars ? Peut-être, alors, son œuvre est-elle un moyen de se protéger contre les aléas d'une destinée qui ne lui a pas été très clémente ? Mais, aussi impliqué soit-il dans sa recherche, un artiste peut-il indéfiniment se "protéger" derrière des situations/refuges, s’exprimer par le truchement de créations personnelles ? Il semble, en tout cas, que jusqu'à présent, cet artiste se complaise dans des pérégrinations mentales qui l’ont entraîné au-delà, autour, hors de "sa" vie.

Observant la récurrence des thèmes, les constantes des éléments choisis, le visiteur pourrait penser que ses oeuvres se situent hors du temps ? Or, il n'en est rien ! Il semble bien qu'elles soient très connotées, très liées à l’actualité ! Mais quelle actualité ? Sur chaque tableau, en effet, volent avions, montgolfières, hélicoptères, rampent tanks chenillés, roulent camions et voitures armés, voguent bateaux à voiles (moments d'accalmies dans ce monde guerrier ?) et cargos une fois leurs soutes remplies… décollent des fusées, atterrissent des soucoupes volantes… Avec parfois –retour vers le passé ou évocation de la vie dans un village proche de lui ?- une charrette attelée d'un âne se faufilant entre tous ces engins…

barocchi 2
barocchi 2

Guerres de tous temps et tous lieux ? Il pourrait en aller ainsi ; n'était que des symboles, faucille et marteau, aigle à deux têtes, drapeau onusien peut-être ou de quelque pays… uniforme, casque à pointe, casquette, étoile de David, etc., attestent que dans l'esprit de Giuseppe Barocchi la guerre a lieu dans le même temps dans l'Allemagne du Kaiser, en URSS, en Israël, au Japon sans doute… Les mots "commando", "macchina", "communisti", "Jesus Homus salvation", etc. donnant quelques précisions, dans des œuvres par ailleurs couvertes d'écritures apparemment en italien –ce qui serait logique, puisque l'artiste vit à Florence- qui pourraient être "ses" stratégies de batailles, "ses" reportages, ou "ses" commentaires personnels sur les situations qu'il a mises en scène.

Aucun essai de perspective, bien sûr. Tous les éléments de chaque œuvre se situent sur le même plan, se croisent, s'enchevêtrent, se juxtaposent aux textes… et, parce que tout est travaillé aux crayons de couleurs, rares sont ceux qui se détachent de l'ensemble. Et c'est alors qu'immanquablement, le questionnement du visiteur se porte sur l'artiste, ce Giuseppe Barocchi qui, de façon obsessionnelle, des milliers de fois au fil des années, dessine, trace, file d'un angle à l'autre de la feuille, muse sur ses fameux détails guerriers ! Il l'imagine, confronté à l'obsession de la page blanche, puis tout à coup, le nez collé au crayon, tout entier emporté par son rythme, attentif à n'en pas dévier, incapable peut-être d'en dévier…

Ce visiteur s'interroge alors : une telle création est-elle un plaisir pour son auteur ? Est-elle une souffrance ? Toutes ces cohabitations d'éléments répétitifs ne le troublent-elles pas ? Et si, malgré tout il persiste et semble heureux, n'est-ce pas parce que c'est sa façon bien à lui d'évacuer son mal-être ? Cette infinie patience dont il fait preuve n'est-elle pas le moyen qu'il a trouvé pour conjurer ses angoisses ? S'agit-il d'une histoire sans fin, dans laquelle il serait condamné à combler encore et encore l'espace de départ ? Autant d'interrogations sans réponse définitive ! Au fond, qu'importe : Giuseppe Barocchi est un artiste de grand talent et regarder son œuvre –sans savoir comment se termine "sa" guerre-, est, paradoxalement vu la gravité de son propos, un plaisir pour les yeux et pour le cœur !

                                                                                                 Jeanine Rivais.

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MUSEE DE LA CREATION FRANCHE : 55 avenue du Général De Lattre De Tassigny, 33130 Bègles. Tél : 05.55.85.81.73.

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