LES COULEURS DU MAROC A LA BIENNALE HORS-LES-NORMES DE LYON 2011

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            Six artistes marocains, hommes et femmes, se sont partagé un stand de la Biennale 2011.

FATIMA AIJOU réalise des sortes de fleurs aux pétales légèrement courbés, dont la fantaisie semble issue d'un kaléidoscope !

Chaque trait organise des sortes d'inclusions très décoratives, d’autant que les unes sont placées sur des verticales ou des horizontales, les autres sur des obliques, générant des contrastes entre les parties de chaque "pétale" ; les angles arrondis adoucissant cette progression. Une façon pour l'artiste d'exprimer le vide, l'espace, la lumière, la résonance avec une ombre, la différence et la redondance… D'exprimer la multiplicité de son univers chatoyant aux couleurs captivantes où s’expriment son imaginaire, sa sensibilité créative. Une façon, enfin, bien à elle de rêver en multiples couleurs.

 

Pas de contexte, susceptible de situer les individus nés sous le pinceau de MOSTAFA ASSADEDDINE : ses personnages sont placés (et c’est sans doute cette récurrence qui le rapproche des peintres du Saint-Soleil ou de l’Art brut) à l’avant-plan d’une multitude d’entrelacs imperceptibles, infimes ponctuations, géométries ténues, zoomorphies miniaturisées…

            Tous éléments qui confirment, au fil du temps, que l’artiste a préservé son identité culturelle, son intense créativité originale, son inspiration issue d’un quotidien ancestral revisité… Qu’il a généré, en somme, hors de toute orthodoxie et de tout apport allogène, un univers pictural mystique, à la fois posé et exubérant. Richement coloré aussi, de sorte qu’à l’instar de ce qu’écrivait Cérès Franco à propos de Chaïbia, il puisse être défini comme celui « qui fait chanter les couleurs du Maroc ».

Voir texte complet : "Un artiste ancré dans sa tradition et néanmoins hors du temps" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique ART SINGULIER.

Les scènes de vie d'ABDELLAH AZZ, peintre autodidacte, emmènent le visiteur dans d'étranges décors devant lesquels évoluent danseuses du ventre aux mains tatouées de henné ; femmes enlacées ; équilibristes ; animaux inquiétants… sur des fonds de couleur vive qui pourraient sembler monochromes, n'étaient que des yeux, des frisettes, de minuscules accents… les parsèment de façon aléatoire. Ramenant ce visiteur aux questionnements relatifs à ces présences étranges et fantastiques qui rappellent que l'artiste, quelle que soit sa culture, et aussi simple soit le choix de son sujet, est irrésistiblement attiré par les territoires de l'entre-deux.

MUSTAPHA EL HARTI vit-il sur la Place Djema El Fna ; que ses œuvres retracent, en minuscules saynètes construites dans la scène générale, tous les éléments qui chaque soir, dans la réalité, envahissent ce lieu ? Faisant se côtoyer charmeurs de serpents, diseuses de bonne aventure, groupes de musique, marchands de légumes, fruits, etc., restaurants ambulants... Le tout bouillonnant d'une vie retracée d'un trait tellement fin, avec une telle profusion de détails, une telle richesse des décors et de la coloration, ainsi qu'une telle précision des portraits, que chaque œuvre baigne dans une ambiance de particulière sérénité.

Le monde de KENZA EL MOKDASNI est-il le monde réel, ou un monde fantasmagorique un peu chaotique au cœur duquel elle laisserait vibrer son imagination ? Tantôt presque abstrait, fait de plages colorées juxtaposées en harmonies de couleurs. Tantôt, hyperréaliste proposant un personnage emmitouflé dans ses fourrures, grands yeux aux pupilles brillantes ou au contraire éteints comme aveugles, et la bouche disant tour à tour la joie, la tristesse ou la perplexité. Cette façon d'aller ainsi d'un style à l'autre, tout en étant parfaitement reconnaissable, montre que cette artiste a conscience d’avoir trouvé là un langage bien à elle, et qu’elle y est à l’aise. 

Etrange bestiaire, que celui de SAID LAHSSINI, où les animaux ont tous des corps sur-allongés… mais des visages humains ! Si ce sont des monstres, ce sont de gentils monstres animaliers, les uns aux pelages carrelés, d'autres écaillés, d'autres enfin comme craquelés… Si ce sont des humains, leurs têtes en forme de jarres proposent des visages d'une parfaite régularité, tantôt paisibles, tantôt reflétant au fond de leurs grands yeux, de profondes angoisses existentielles. Rêves ? Fantasmes ? Réalité ? Tout cela sans doute un peu, un désenchantement corroboré par de douces couleurs un peu ternes.

                                                               Jeanine Smolec-Rivais.