SIMON ROUSSELLE

Entretien avec JEANINE RIVAIS

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          Jeanine Rivais : Parlez-nous de vous, et dites-nous comment vous en êtes venu à cette forme de création ?

     Simon Rousselle : En fait, tout a commencé à l’école où je travaille. Un jour, je suis arrivé avec de la pâte à modeler qui sèche à l’air. Et j’ai fait un petit bonhomme pour montrer aux enfants. C’était au début des années 80. 

         J’en ai fait deux, puis trois… J’ai continué par des animaux. Il faut dire qu’avant de travailler avec des enfants, je soignais des singes ! Peut-être est-ce pourquoi mes personnages ont toujours un petit côté enfantin ?

      Peu à peu, j’ai pris goût à ces compositions. J’ai commencé à leur mettre des moteurs. Et puis à créer mes petits bars. Enfin, à monter tout cela ensemble. 

 

          J. R. : Je ne dirai pas qu’ils ont un côté enfantin. Je parlerai plutôt d’un côté ludique.

        S. R. : Oui, c’est vrai. Il fallait aussi que « ça bouge ». Je suis animateur, employé de la Mairie de Paris. Animateur : Animer. Mon nom d’artiste est « articulteur » parce que j’ai aussi travaillé dans l’horticulteur. Tout cela fait un joyeux mélange ! 

Et depuis, je travaille sans arrêt en ce sens.

 

          J. R. : En somme, si je vous dis « Bonjour Articulteur », vous vous reconnaissez ? Pourtant, ce mot me semble plutôt une définition de fonction qu’une définition de nom. 

          S. R. : Oui, mais ma fonction est d’articuler tous mes petits pingouins. 

 

          J. R. : Comment vous est ensuite venue l’idée de les mettre dans des boîtes ; d’en faire des théâtres, en somme ?

         S. R. : Mes boîtes ! J’ai trouvé des boîtes dans la rue. J’ai commencé à faire des petits meubles. Les boîtes protégeaient objets et personnages qui étaient très fragiles. Et puis, j’ai décidé de mettre en scène des petits bars dans ces boîtes. 

 

         J. R. : Des bars, certes, mais dans les œuvres que je vois, nous sommes au bord de la mer?

          S. R. : Oui, mais c’est exceptionnel. C’est parce que j’ai trouvé ces bateaux tout neufs dans une poubelle. Mais mon thème privilégié, ce sont les bars.

 

          J. R. : Mais pourquoi ? Est-ce parce que les bars sont des lieux où les gens sont plus décontractés ; que cela vous permet de jouer sur les postures des personnages, etc. ?

          S. R. : Oui. C’est parce que Paris est plein de bars. Ce sont des lieux très conviviaux. Et puis j’ai travaillé pour un grand restaurant de Montmartre, Le Cochon à l’oreille et pour Le Tambour. C’est un bar classé. J’ai obtenu l’autorisation de le reproduire. 

          En ce moment, ce que je fais est plus laqué, car il s’agit d’une scène biblique, alors dans un bar… Naturellement, il s’agit d’un bar bien à moi ! Et j’ai un grand projet en céramique pour Le cochon à l’Oreille où je glisserai dans mes bars, les métiers des Halles. Les personnages seront plus grands…

 

          J. R. : Mais est-ce que le fait qu’ils soient grands ne supprimera pas le côté primesautier et grouillant de vos personnages ?

          S. R. : Non ! J’en ai déjà fait de 80 cm de haut ! Il s’agissait d’un curé, d’un rabbin et d’un imam en train de boire des coups. C’était un peu la réconciliation…

 

          J. R. : Une fois les thèmes trouvés, comment en êtes-vous venu à l’animation ?

        S. R. : Vu les personnages, il « fallait » qu’ils bougent. J’ai trouvé un petit four à micro-ondes dans la rue. Comme nous n’en avions pas, je l’avais prévu pour la maison. Mais une fois arrivé, j’ai démonté le moteur, et j’ai fait tourner une de mes scènes. Déjà, le fait d’avoir trouvé ce moteur dans la rue me donnait l’ambiance du bar ! Finalement, la rue a une grande influence sur ma façon de penser.

 

         J. R. : Nous sommes également de grands récupérateurs d’objets de la rue. Tous les dessins de Michel Smolec sont réalisés sur des planches prises sur le trottoir ! J’aime pour cette raison le film d’Agnès Varda, « Les Glaneuses ». Voulez-vous ajouter quelque chose à ce que nous venons de dire ?

          S. R. : Moi aussi, j’adore ce film. Je voudrais souhaiter que tout le monde se mette à l’art, parce qu’il peut beaucoup aider les gens. Moi, en tout cas, il m’a beaucoup aidé à me calmer.

 

          J. R. : Je ne nierai certainement pas l’aide thérapeutique que peut avoir l’art. Mais il faudrait alors en rester aux définitions originelles de l’Art singulier. Malheureusement, nous sommes parvenus à une problématique où beaucoup trop de gens se prennent pour des artistes, qui plus est des génies qui, dès le premier coup de pinceau, se retrouvent à exposer…

          S. R. : Moi, c’est venu, comme je vous l’ai dit, de façon presque fortuite. Depuis, j’ai toujours quelque chose sur ma table d’atelier. Je me lève à cinq heures, alors que tout le monde dort encore. Je trouve ces moments extraordinaires.

          Et j’ajouterai que dans l’animation, il y a la vie !

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DE L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.