La c arte de l'Inde // Ans Van Berkum pendant son discours d'ouverture de l'exposition // Le ministre indien de la Culture pendant son discours
La c arte de l'Inde // Ans Van Berkum pendant son discours d'ouverture de l'exposition // Le ministre indien de la Culture pendant son discours

     Proverbiale et plusieurs fois millénaire est l’infinie richesse créatrice de l’Inde ! Et proverbiale la multiplicité des symboles intervenant dans la pénétration de ses expressions artistiques compréhensibles seulement si elles sont replacées dans le contexte idéologique, esthétique et religieux de la civilisation indienne.

    C’est pourquoi, lorsqu’un visiteur occidental parcourt l’exposition "Out of India" il est en droit de se demander s’il va être capable d’en comprendre l’essentiel, ou s’il devra se contenter de n’en considérer que les évidences. D’autant plus, qu’il s’agit d’art populaire, d’art tribal même, où chaque ethnie ajoute à ses créations ses mythologies personnelles.

 

    Ainsi, l’invité d’honneur de cette exposition, Jangarh Singh Shyam, appartient-il à la tribu des Gond. Reviennent dans ses oeuvres les animaux de la jungle, dans des postures très naturalistes : le tigre bondit sur le tapir ; le lion menace la gazelle ; l’aigle s’agrippe au dos de l’éléphant, le boa dévore le sanglier... Mais faut-il considérer comme des hommes aux visages couverts de masques monstrueux, ces êtres griffus, debout, menaçants ? Ou bien sont-ils de fantasmatiques animaux bipèdes ? Quelle que soit la pensée du peintre, il les a longuement élaborés, constitués d’une multitude de pointillés, infimes “folioles”, minuscules “grains de riz”, collés, serrés, ocellés, carrelés et croisillonnés en losanges déformés comme à travers une loupe, fleuronnés, guillochés de mille petites lignes brisées ou onduleuses, terminées en pointes comme autant de microscopiques arcatures de mausolées... Le tout avec un sens aigu du dessin et des couleurs fortes qui génèrent une impression de grande vitalité, de sensualité, de réalisme poétique, d’énergie physique, de rythme et d’harmonie dans les mouvements.

           Le spectateur arrive alors devant un dragon-arbre au “tronc” ceint de courbes concentriques ; au “corps” onduleux couvert d’une infinité d’alvéoles, bordé de fines dentelures. Sa tête de naja, aux tout petits yeux globuleux, se ramifie en d’immenses branches feuillues dessinées avec des précisions entomologiques. Tenue par deux mains, une sorte de flûte part de sa gueule, tandis que deux autres mains tiennent l’une une branche, l’autre un trident ! L’artiste a-t-il voulu, dans la traditionnelle quête indienne de l’évolution et de la perfection, du temps et de l’éternité, de l’immanence et de la transcendance... donner à cet animal à la fois symbole de la peur et de la fête, les attributs de l’art, de la vie et de la mort ?...

           Complètement différents de cette fougueuse saga animalière, les autres artistes proposent des thèmes élémentaires de la symbolique indienne, des oeuvres plus intimistes : jeunes personnes aux rondeurs très féminines, à leur toilette ; petites scènes de chasse à pied ou à dos d’éléphant ; oiseaux se becquetant, princesses voguant au fil de l’eau... Ou bien des sortes de tapis muraux, ressemblant à des écorces bandées de motifs répétitifs (petits chevaux, enfants...) ou carrelées de dessins aussi fins et précis que des noeuds de couturière.

    Enfin, venues d’un autre village, des oeuvres qui, de loin, ressemblent à des dentelles de fil, et sont de près, autant de petits motifs de fleurs, d’oiseaux... Peintes rituellement à l’intérieur des cases, en blanc sur tissu bis, par des jeunes filles en âge d’être mariées, ici un trait désignant l’homme, là une croix suggérant d’autres impératifs..., elles sont la quintessence de la symbolique tribale, conjugale, familiale ; et, sous leurs airs bon-enfant, entraînent le spectateur bien loin dans ses spéculations intellectuelles !

 

          Une belle exposition, vraiment , à la fois ouverte à la curiosité occidentale, et close sur le mystère indien. Un joli conte tout plein d’exotisme. Un très singulier petit morceau de continent  suspendu aux cimaises du Musée de Stadshof !

Jeanine RIVAIS

 

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N°61 DE NOVEMBRE 1997 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA. ET DANS LE N° 54 D'OCTOBRE 1997 DE LA REVUE IDEART

 

Discours et concerts autour de l'exposition "Out of India"
Discours et concerts autour de l'exposition "Out of India"