RAPHAËL MALLON

Texte de JEANINE RIVAIS

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          La trentaine juste atteinte, Raphaël Mallon est à l’âge où l’on est tout imprégné de bande dessinée. Et, par moments, sa peinture s’en rapproche, surtout lorsqu’il ajoute au dessin, des écritures. Mais, contrairement à elle qui, par définition, narre une histoire linéaire, les « récits » picturaux de Raphaël Mallon sont des sortes d’étapes liées par des formes, des rappels… Ainsi, partant d’un personnage à double tête, jambes en l’air, l’observateur passe-t-il à un cul-de-jatte qui marche sur les mains…à deux jambes sans corps terminées par des poulaines/visages… agrippées à une corde en train d’étrangler un chat (n’est-ce pas plutôt une chatte, avec sa patte/femme et son ventre porteur de trois minuscules fœtus ?)… qui attrape une souris… qui est debout devant des statues de l’Ile de Pâques… dont l’une devient une sirène accrochée à la corde par une série de mousquetons… Et cet observateur (peut-être faudrait-il plutôt dire ce « lecteur » ?) en vient à une deuxième « bulle » qui commence par une série d’hippocampes, à laquelle fait suite une araignée entremetteuse… Tandis que d’autres encore passent par Siva, Salvador Dali la moustache en bataille, via une licorne, etc.

    Ainsi, sans logique apparente, Raphaël Mallon « voyage-t-il » autour de cette corde ! Comment pourrait-on dès lors, imaginer qu’une telle circumnavigation  soit purement esthétique ? Bien sûr, pour en faire une analyse définitive, il faudrait connaître intimement à la fois l’homme et le peintre ! Mais des éléments récurrents permettent d’émettre des hypothèses et de recevoir quelques réponses à ses supputations : les jambes (Absence de jambes/ Jambes-visages/Jambes-femmes…) : toutes jambes atrophiées, en somme, ou déconnotées, ne suggèrent-elles pas, liées à cette corde, une difficulté à bouger, à aller « vers… » Ou ailleurs ? Ou au contraire, les visages féminins sur les pieds, les femmes à la place des jambes qui attestent d’une féminisation de ces parties anatomiques fétichisées, n’impliquent-ils pas que le mouvement autour de l’artiste se fait par la femme ? Les trois fœtus ne seraient-ils pas (inconsciemment, cela va de soi !) en relation avec les trois enfants en bas âge qui ont envahi la vie du couple Mallon ? Ce professeur/fils de professeur a-t-il un besoin impératif de référents (peintres, symboles religieux, hiéroglyphes, etc.) puisqu’il les fait s’immiscer dans sa progression fantasmatique ? Enfin, comment ne pas voir dans cette corde, un cordon ombilical auquel s’accroche l’artiste comme à une bouée ? (Il est vraisemblable que le jour où il le lâchera, il sera capable de peindre ses ta   bleaux dans une continuité ; mais est-ce bien son propos ?)

 Bref, voilà un artiste en gestation, conscient que son travail est loin d’avoir trouvé sa forme définitive et de ne pas posséder toutes les clefs pour expliquer sa démarche. Son œuvre est néanmoins curieuse, intéressante ; et par son côté intellectuel à la recherche de soi-même, titillante pour le visiteur ! 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES L'EXPOSITION "LE PRINTEMPS DES SINGULIERS" EN 2003, à l'ESPACE SAINT-MARTIN, 199 BIS RUE SAINT-MARTIN 75003 PARIS.

 

TEXTE DE JEANINE RIVAIS :  "LES CYCLES INFINIS DE RAPHAËL MALLON" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°71 de JANVIER 2002, Ve FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY.