Raymond Reynaud
Raymond Reynaud

  

            Tous les polyptyques de Raymond Reynaud semblent surgir de l'œil du cyclope –un autoportrait de l'artiste ?- autour duquel, en une sorte de spirale à étapes géométriquement disposées, il installe son monde à la fois naturaliste et imaginaire : monde réel face à ses souvenirs ? ses fantasmes ? ses fantaisies humoristiques ? 
Constructions bizarres où quatre mains jointes peuvent générer un corps, des rois, reines, ouvriers qui vont se retrouver à égalité dans des médaillons ; où un enterrement baroque est traité comme une enluminure moyenâgeuse d'où s'échappent des hippocampes monstrueux, des serpents crachant le feu, des franges de personnages montant vers l'apex du tableau central, ou en redescendent symétriquement : à ce moment précis, le spectateur a le sentiment de contempler, au tympan d'une église, un paradis terrestre où évoluent bons et méchants, sous le poids symbolique de deux grands sabliers.

Suzanne au bain
Suzanne au bain

Dans tous ses paradoxes, Raymond Reynaud installe, aux différents âges de sa vie, unbébé-fillette-femme-vieille, et renvoie de nouveau au passage du temps en érigeant devant ses tableaux des sculptures réalisées à partir de vieux troncs
d'arbres blanchis, comme ceux vers lesquels allaient naguère en procession, les
paysans superstitieux.

                                  JeanineRivais

CE TEXTE A ETE ECRIT DANS LE CADRE D'UNE EXPOSITION A L'ESPACE HERAULT, INTITULEE : "QUATRE ARTISTES A L'ESPACE HERAULT" ; et PUBLIE DANS LE N°55 DE JUILLET 1995 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.

********************

CONFERENCE

********************

RAYMOND REYNAUD OU CINQUANTE ANS D'ART HORS-LES-NORMES.

" VENEZ DANS MON MUSEE, VOUS Y VERREZ MES REVES ".

**********   

Raymond Reynaud est né à Salon-de-Provence en 1920. Dès qu'il quitte l'école primaire, il commence un apprentissage de peintre en bâtiment. Tout en travaillant, il entre en 1935 (à quinze ans à peine), aux cours du soir des Beaux-­arts de Salon qu'il fréquentera jusqu'en 1939. Déjà curieux, il lit au gré de ses découvertes, des articles sur un peintre nommé Picasso, sur un mouvement artistique nouveau, le Cubisme. Intrigué, il pose des questions à ses professeurs qui, n'en ayant pas ou peu entendu parler, " prennent ", raconte-t-il, "des airs entendus et lui affirment que ce n'est rien d'important ; que seuls comptent Léonard de Vinci et la Renaissance italienne". Il reste donc sur sa faim, persuadé de manquer des choses essentielles, mais incapable, du fond de sa province, de deviner lesquelles. Et il peint des paysages de Provence, des natures mortes ; sur toile ou, lors de ses chantiers, sur le manteau des cheminées.

          Il vit à Salon jusqu'en 1949, date à laquelle il vient s'installer à Sénas, dans le Var. Il ouvre une petite affaire de peinture en bâtiment, avec quelques ouvriers. Et continue de peindre pour le plaisir. Ce temps pourtant lointain semble gravé dans sa mémoire, aussi vivace qu'au premier jour. Et il l'a raconté avec beaucoup d'humour et ce bon sens campagnard dont il ne s'est jamais départi, dans un entretien que nous avons réalisé ensemble, dans sa maison, en 1999 : "Un jour, à l'heure de midi", explique-t-il, "arrive à mon atelier un inconnu qui se présente comme instituteur, et demande Raymond Reynaud. Je m'avance, l'inconnu me dit:: "Vous savez, votre peinture est très mauvaise ! Les paysages que vous peignez sur les capes des cheminées dans les fermes, c'est de la merde ! Je connais des stages organisés par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, principalement pour les enseignants. On y fait de la vraie peinture. Vous devriez y aller. Cela se passe à Marly-le-Roi, près de Paris. Mes ouvriers se sont mis à rire, et ils ont déclaré : "Il ne risque pas d'y aller ! Il aurait bien trop peur !" Cela m'a piqué au vif ! Et je me suis engagé à partir ! L'instituteur m'a inscrit comme si j'étais enseignant. Et j'ai été admis à participer au stage ! J'arrive à la gare... En attendant le train, j'hésite: je pars, je ne pars pas! Finalement, je me suis dit que je ne pouvais plus reculer, sinon, toute ma vie j'entendrais des moqueries et j'aurais des regrets. Et je suis monté dans le train. J'étais encombré de mes bagages et de mon carton à dessin. Dans le wagon, il y avait un monsieur qui n'arrêtait pas de me regarder ! Il avait dû se rendre compte combien j'étais nerveux ! Et pas rassuré, non plus! Finalement il m'a demandé où j'allais? J'ai répondu: "A Paris". – "Et vous connaissez Paris ?"- "Non !" Il s'est mis à rire et a insisté: "Mais comment allez-vous vous débrouiller ?" J'ai déclaré, très déterminé : "Je suivrai la Seine !" Il a dû avoir pitié de moi, car il a ajouté: "Attendez un instant ! Je suis secrétaire du Sénateur-Maire de Carcassonne ! Je vais demander si, en arrivant à Paris, il veut bien vous prendre dans notre taxi ?" Il a quitté le wagon, et un moment après, en revenant, il m'a dit: "A l'arrivée, notre taxi vous conduira à la gare Saint-Lazare". Quel soulagement ! Me voilà donc à Marly-le-Roi, au milieu d'instituteurs. L'un d'eux m'a demandé: "Stagiaire ?" J'ai répondu "Non, de Salon-de-Provence". Personne ne m'a plus adressé la parole pendant plusieurs jours !

Raymond Reynaud dans sa bordille
Raymond Reynaud dans sa bordille

Au cours de ce stage, plus question de Beaux-arts ! C'était l'esprit de l'Ecole de Paris ! Un professeur avait placé devant nous une nature morte avec des pommes, des bouteilles. Il nous avait bien expliqué ce qu'il fallait faire "par rapport au tableau de Braque" ! Mais moi, j'ignorais de qui il pouvait bien s'agir ! Et je ne comprenais rien ! Le professeur avait insisté sur la nécessité de tenir compte des rythmes et de ne pas trop se soucier de l'objet ! Moi, bien sûr, je "faisais du Beaux-arts !". Et chaque fois qu'il passait, il effaçait tout ! Cela a continué pendant trois jours. Enfin, j'ai commencé à comprendre ce qu'il attendait de moi ! Après cela, j'ai progressé très vite, et j'ai été autorisé à m'inscrire à d'autres stages.

Seulement, à mon retour chez moi, seul devant ma toile blanche, j'ai été complètement bloqué. Cela a duré dix ans, et j'ai fait une grave dépression !"


Voilà donc Raymond Reynaud incapable de peindre ! Il tente bien de commencer des peintures figuratives, mais se rend compte qu'"elles sont pompiers, qu'elles ne valent rien, et qu'il doit changer". Il s'efforce de travailler dans l'esprit qu'on lui a inculqué au stage. Peine perdue!


Pourtant, le temps aidant, lui vient l'idée de réaliser des personnages, à partir de matériaux glanés ici et là, dans le passé. Il ne sait pas trop où cela le mènera, mais l'image qu'il en a en tête les lui montre insolites et mystiques. Désormais, Sculpteur improvisé, il hante les décharges pour pouvoir continuer, découvre au hasard des poubelles des objets divers qu'il commence à stocker dans un pré jouxtant son jardin. Au fil des ans, ce pré est devenu ce que, dans le Midi, on appelle "une bordille".
On pourrait imaginer qu'au bout de tant d'années, la bordille de Raymond Reynaud soit devenue elle-même une décharge, un grand bric-à-brac à usage personnel. Rien de tel ! Tout y est méticuleusement rangé dans de grands casiers, car, dit-il, "Il faut que je sache à quel endroit précis se trouve tel objet. De cette façon, quand j'ai une forme dans la tête, je sais immédiatement où trouver l'élément correspondant ! Cela me simplifie la vie ! Et puis, Arlette n'aime pas le désordre, elle maronne et me menace de tomber en dépression si je laisse traîner quelque chose !" ... (Arlette, sa femme, qu'il faut saluer au passage car elle a accompagné depuis l'origine, et sans jamais faiblir, le travail et les angoisses de Raymond Reynaud dont elle est, avec humour et gravité, la plus sûre critique et la plus inconditionnelle admiratrice).

Les gardiennes de la maison-musée de Raymond Reynaud
Les gardiennes de la maison-musée de Raymond Reynaud

Et, dans sa bordille, Raymond Reynaud va depuis plusieurs décennies, chercher, parmi les milliers d'objets, celui, irréfutable qui accompagnera tel autre déjà installé. Si le hasard lui en fait "découvrir" un qu'il n'avait pas envisagé, mais qui s'impose comme allant de soi, il lui "faut" recommencer différemment l'œuvre pour créer un nouvel équilibre. Si, par contre, il ne trouve pas exactement ce qu'il a en tête, la sculpture restera en attente, car il est essentiel que "chaque élément soit en totale harmonie avec le précédent". Certains objets dorment donc là, n'ayant jamais "correspondu" à son désir ou à son besoin momentané.

 

Ainsi ont pris corps d'étranges totems dont certains, féminins, très grands, accolés aux murs de la maison, en sont "les Gardiennes", couvertes de ciment, de sable et de chaux, sur lesquels il a gravé des dessins avec un clou.


Mais la plupart des sculptures, à peu près de grandeur nature, sont installées intra muros, posées comme une grande famille les unes à côté des autres, liées chacune à une histoire dont l'artiste garde un souvenir très vif ; jalons et témoins du passage du temps dans cette maison où s'accumulent les œuvres de Raymond Reynaud. Certaines sont donc quasi-quadragénaires, mais fraîches et vivantes comme au premier jour, conçues absolument toutes verticalement et, bien que d'aspect baroque, basées sur une symétrie, car même non matérialisé, l'axe est là, telle une colonne vertébrale: "J'ignore pourquoi", dit-il, "mais je suis incapable de les faire autrement, même si, quelquefois, cela peut paraître excessif".

 

Cette création est, en tout cas, lourde de sens, invitation pour le visiteur, à la plus grande modestie : comment ne pas voir, en effet, dans cette sublimation des déchets d'autrui (voiles de mariée noircis, vieilles chaussures, coquillages, clous, tessons, bois, etc.) ; dans cette façon de se réapproprier l'objet naguère aimé par des inconnus, mais délaissé et rejeté dans le lieu le plus vil de la société, sa poubelle, une sorte de magie par laquelle l'ordure devient objet d'art, grâce au talent et à l'imaginaire floribond du créateur ? Et puis comment ne pas retrouver dans ces vieux arbres blanchis par les intempéries, ces branchages tordus comme de souffrance, la recherche perpétuelle de ses propres racines; dans ces masques faits de nœuds aléatoires, d'excroissances végétales inattendues, la proximité des masques africains. Art incontestablement "premier", que celui de Raymond Reynaud, avec, dans un monde brutal et sans grand mysticisme, la constante recherche d'une spiritualité dégagée de toute démarche intellectuelle ou mercantile.

les sculptures de Raymond Reynaud. Au centre, le Christ
les sculptures de Raymond Reynaud. Au centre, le Christ

Ainsi, tous brimborions a priori artistiquement non-signifiants, tous éléments de la nature, sont-ils mués, chez ce sculpteur, en autant d'œuvres tantôt pittoresques ("Le cuistot"), tantôt grotesques ("Pierrot aux trois lunes"), ironiques ("Le grand Prosper"),bon enfant ("Theresa la Jongleuse")(mais ces qualificatifs seraient souvent interchangeables), infiniment sérieuses ou sacralisées comme ce "Christ", sculpture très récente, fait de deux souches dont l'une forme le bassin et les membres inférieurs et dont la forme enveloppante semble les entourer d'un linceul, tandis que la seconde, paraît en jaillir pour constituer le buste et le visage dans lequel hurle une bouche béante, et que (comme pour les Christs jansénistes de naguère), les deux éléments d'une fourche terminale constituent les deux bras en imploration vers le ciel. C'est lui qui, peut-être, exprime le plus directement, l'angoisse de l'artiste. Ou encore comme ce "Vieux Roi"fait d'un tronc dont l'intérieur a disparu et dont le bas, complètement creusé et noirci sépare deux " jambes" scarifiées ; cependant qu'au-dessus d'un buste svelte, s'élargit une tête aux "cheveux" faits de protubérances formant une sorte de couronne. Mais "La Mariée"semble la quintessence de cette démarche à la fois obsessionnelle, protéiforme, apparemment toujours différente et néanmoins toujours la même: Œuvre majeure de l'artiste, elle démontre ce que peut être le cheminement idéal d'un esprit, à partir de ces matériaux vulgaires évoqués ci-dessus, et qui en efface l'origine derrière le sens généré par leur association : Ce visage/corps monobloc conçu en une forme losangée possède à la fois un aspect arachnéen comme siérait un voile à une jeune épousée (laquelle, en l'occurrence, n'est pas jeune du tout, remontant aux lointaines créations de Raymond Reynaud !) Dans le même temps, ses yeux (deux chaussures féminines) ont un regard étrange, à la fois fixés sur le visiteur, et détournés par un léger strabisme, sans que l'on puisse affirmer -et nous entrons là dans des dualités chères à l'artiste- si elle regarde insolemment son vis-à-vis ou si elle baisse modestement les yeux ? Tandis que son nez descend à une bouche à la fois large ouverte et obstruée : (là encore, s'agit-il de dire, ou d'être empêchée de dire ?) Et que béent, au-dessus de courtes jambes grêles, un nombril fait d'un cercle denté (pour prendre, mordre ou se défendre ?) et un sexe fendu entre deux lèvres protubérantes, prêt, lui, sans ambiguïté, à "recevoir", évocateur de fécondations subséquentes, et de la vie.

La mariée décharnée
La mariée décharnée

On pourrait, à l'infini, étudier l'une après l'autre, les sculptures de Raymond Reynaud. On trouverait sur chacune les éléments récurrents qui génèrent la continuité et la définition de son travail, mettent à jour chaque fois un fragment de sa mémoire; et tous les symboles attestant que son esprit créateur, en permanence ouvert sur des interrogations ne sera en repos que si les questions ont été bien posées car alors et alors seulement, il pourra estimer l'œuvre "terminée". Dans le cas contraire, il lui faudra continuer, fouir encore et encore, inlassablement !


  Ainsi, Raymond Reynaud est-il devenu ce que l'on a baptisé "sculpteur d'"Art-Récup'", tâtonnant, s'inquiétant, parfois insatisfait; d'autres fois heureux de ce qui sortait de ses mains.

 

Mais il y a aussi Raymond Reynaud Peintre.

 Faisons un retour de quelques trente-cinq ans en arrière, où le voilà sur des rails, certes encore fragiles, mais qui le tirent peu à peu de sa dépression. Et évoquons le temps où l'envie lui vient, de peindre "Les Quatre saisons"! Puis "Les Sept péchés capitaux". Finis les lavandes et les paysages provençaux ! Il amorce une œuvre très dense, descriptive, proche d'un art populaire vivant et insolite. Il est toujours taraudé par des questionnements angoissés face aux mystères de l'existence et ceux de la création picturale ; mais soulagé d'être de nouveau capable de peindre. Entraîné irrémédiablement vers cette nouvelle démarche, elle aussi mystérieuse, mais déjà fascinante.

Il semble que Raymond Reynaud soit un peu médium, et qu'il obéisse inconsciemment à des voix intérieures car, à toute interrogation sur le pourquoi de telle façon de faire, il affirme avec évidence "Le Bon Dieu m'a dit...", et cette "explication" lui paraît suffisante, indiscutable !

Il s'est d'ailleurs expliqué sur ce recours continuel à Dieu, dans notre entretien : il venait de raconter les difficultés qu'il avait éprouvées à terminer une œuvre, lorsque je lui ai dit, un peu taquine: "Vous êtes un narrateur vraiment persuasif ! La façon dont vous racontez cette mésaventure donne l'impression d'une vengeance de la toile, le sentiment que votre Dieu vous a momentanément abandonné !" A quoi il a répondu : "Vous avez l'air étonnée que je parle toujours du Bon Dieu ! Vous savez, au début je n'étais pas croyant. Je n'ai pas fait ma communion parce que mes parents n'étaient pas pratiquants ! Mais la croyance est venue en travaillant ! Le bonheur de réaliser ces œuvres, les cadeaux que je reçois sans arrêt sous formes de matériaux qui me servent comme je le veux ; en même temps, cette espèce de peur qui s'installe... tout cela fait qu'on est content de trouver une philosophie qui vous pousse à être reconnaissant et à vous contenter de rien !"

La luxure
La luxure

Désormais, en tout cas, plus rien ne peut l'arrêter. Il est même si boulimique de peindre qu'il ouvre un atelier, " l'Atelier du Quinconce vert ", bien vite rempli d'"élèves" adultes. Et sans doute y aurait-il une explication au fait que la grande majorité aient été des femmes, parfois profitant de son enseignement et partant dans un même esprit vers d'autres chemins ; mais souvent, bien qu'il affirme les avoir incitées à trouver leur expression personnelle, à jamais influencées par son style ! Cet atelier qu'il a fermé en 1990, a été une part importante de sa démarche picturale. Il en parle toujours avec enthousiasme et émotion. Et ses anciennes élèves, devenues parfois artistes de talent, lui ont témoigné une fidélité indéfectible et lui vouent un véritable culte !

"Les Quatre saisons" et "Les Sept péchés capitaux"le remettent donc "en état" de peindre ! Tout de même, lorsqu'il commence à réfléchir sur ce qu'il veut exprimer par le truchement de ces deux thèmes, il se rend compte qu'il s'est lancé dans une entreprise gigantesque, nécessitant une force intérieure bien plus grande que ce dont il avait besoin dans le passé. Il développe à plusieurs reprises le thème des "Quatre saisons" uniquement à l'encre noire. "Et puis", dit-il, "quelques mois après, au moment de Noël, m'est venue une autre idée : traiter, toujours à l'encre, Les Sept péchés capitaux" : Souffrant rétrospectivement autant qu'au premier jour, il se lance dans l'historique de cette nouvelle réalisation ! A-t-il, par inadvertance, oublié " la Gourmandise", ou n'a-t-elle posé aucun problème spécial ? Toujours est-il qu'il n'en dit rien. Par contre, ayant représenté l'argent, le squelette, pour "L'Avarice" par laquelle il a commencé, il réalise que se servir de la littérature pour peindre ne donne rien de bon. Heureusement, "la Colère", "l'Envie", "la Luxure" déclenchent une évolution de sa recherche vers la poésie, et il se sent plus près des aspirations qu'il sent en lui, même si elles ne sont pas encore très claires. Pour "l'Orgueil" et "La Paresse", il quitte définitivement l'anecdote et le voilà "parti". D'autant qu'il a compris que "peindre, c'est comme jouer dans une fanfare où le clairon n'a que quatre notes : les rouges battent les temps, et les verts stabilisent le chant ! Restent les noirs et les blancs pour équilibrer les couleurs. Jusque-là", dit-il, "il y avait toujours dans mes oeuvres plus de couleurs que de noir et de blanc ! C'est le fait d'être musicien qui m'a permis d'en sortir" !

Don Quichotte
Don Quichotte

Pourtant, il se posera longtemps encore ce problème des couleurs : comme un enfant apprend à lire, Raymond Reynaud apprendra progressivement à les harmoniser, découvrira que si toutes sont douces, aucune idée majeure n'en sortira; que si un rouge et un vert ont la même valeur, bien qu'en eux-mêmes ils soient des couleurs vives, ils n'exprimeront jamais la colère, qu'"il faut par exemple", dit-il, "que le rouge soit grenat dans une forme ronde et que le vert soit clair mais très allongé. J'ai découvert et travaillé", ajoute-t-il, "les rapports formes/couleurs en les introduisant dans mes dessins; mais ce n'est pas venu tout seul, j'ai longtemps tâtonné !"

En tout cas, la leçon a été parfaitement comprise : désormais, toutes ses œuvres seront de couleurs très sobres, mais infiniment lumineuses, car il possède l'art de les faire vibrer, en les plaçant par petites touches de façon que chacune mette en lumière la suivante. A force d'harmonie, certains passages ont l'air d'être à la fois des flammes, de la dentelle, de l'eau qui coule et, sans jamais être réalistes, ils sont toujours puissamment évocateurs.

 

Il faut développer plus longuement, dans ce chapitre sur la peinture, la place et la portée des deux toiles majeures qui ont accompagné près de trois décennies de la vie de ce peintre : "Don Quichotte", et "Jean de Florette".

"Don Quichotte"était né dans la douleur: Alors que la toile n'était pas terminée, Raymond Reynaud était parti en voyage. A son retour, impossible de retrouver son rythme ! Ce tableau avait été commencé dans une sorte d'état de grâce, de concentration extrême qui avaient disparu pendant le voyage. Imaginez le calvaire du créateur, la tête fourmillante de désirs picturaux qu'il est incapable de concrétiser !... Quand, enfin, il a pu reprendre ses pinceaux, il a énergiquement prévenu sa femme que jamais plus il ne partirait de la maison quand il aurait une œuvre en train. Et les années se sont écoulées, avec des retours nombreux vers la toile ; 1994 lui a même été presque exclusivement consacrée. "Don Quichotte" a "grandi" comme un enfant que l'on soigne et que l'on éduque pour en faire un homme accompli. Les messages à décrypter se sont multipliés, illustrant la recherche picturale et philosophique de l'artiste ; des énergies nouvelles se sont développées ; la philosophie dégagée par ces deux personnages s'est peaufinée jusqu'à devenir exemplaire de la trivialité de l'être humain, depuis la basse matérialité de Sancho Pança, jusqu'aux soubresauts de spiritualité de Don Quichotte. L'œuvre a progressé à tel point que, telles des pages ajoutées à l'histoire d'une vie, des panneaux nouveaux sont devenus indispensables, au grand désespoir d'Arlette qui reprochait à son mari de laisser paraître les raccords au lieu de faire une surface parfaitement lisse; à quoi il rétorquait attacher justement un intérêt capital à ce côté "artisanat du pauvre", à cette construction avec des moyens de fortune, alors qu'il a horreur de la toile parce que cela "fait bourgeois, peintre établi, inséré dans un système culturel".

"J'ai représenté", dit Raymond Reynaud, "à gauche, Don Quichotte habité par un rêve idéaliste et à droite Sancho Pança englué dans son matérialisme, au milieu de la mort et de la destruction. Leur destinée se poursuit, entraînée par un impitoyable engrenage, au rythme des vents venus d'un autre monde, qui actionnent les ailes des moulins à vent et déversent de toutes parts des guerriers, des trompettes, des images...". Un investissement tellement fort qu'il s'exclame avec une grande ferveur : "Quand je regarde mon Don Quichotte, j'ai l'impression d'avoir fait des vitraux ! D'avoir été sacristain ! D'avoir vécu avec des prêtres que j'aurais servis ! D'avoir feuilleté la Bible..." A cet enthousiasme profondément mystique, il faudrait ajouter : "D'avoir été, moi que Jean Dubuffet aurait appelé "l'homme du commun à l'ouvrage", littéralement illuminé par la densité de cette œuvre universelle, et d'avoir su magistralement transmettre cette illumination ! "

Jean de Florette
Jean de Florette

La même progression anecdotique a marqué la croissance de "Jean de Florette", la triste histoire de ce pauvre rêveur naïf qui sera usé par sa quête continuelle de l'eau alors qu'une source coule sous ses pieds ; de ce poète désarmé devenu figure emblématique de la Provence et qui sera tué par l'intolérance et l'avidité de ses voisins...

Le tableau, né d'un nouveau -et double- défi, a eu, lui aussi, une histoire mouvementée : En effet, Raymond Reynaud avait porté à l'Aracine quelques œuvres à Madeleine Lommel. Or, elle lui avait dit sans ambiguïté que cela ne l'intéressait pas, que ce n'était pas de l'art brut, qu'il n'était pas dans le coup, etc.

Et puis, à peine rentré de son voyage décevant à l'Aracine, alors qu'il commençait à explorer le thème de Jean de Florette sans trop savoir par quel bout le prendre, le voilà aux prises avec ses élèves : Il avait décidé de voir ce que ferait sur ce thème l'équipe de la MIC de Salon avec qui il travaillait alors. Mais les propositions que lui soumettaient les élèves le laissaient chaque fois insatisfait. Et eux, étaient de plus en plus agacés de se faire houspiller à chaque séance ! Alors, de guerre lasse, ils l'ont mis au défi : "Prouve-nous que toi, tu saurais le faire mieux que nous !" Il lui fallait donc désormais convaincre Madeleine Lommel et ses élèves !

De nouveau au pied du mur, Raymond Reynaud s'est mis à peindre l'histoire de ce gentil bossu. "Quand je suis retourné voir Madeleine Lommel", dit-il, "ce tableau a finalement été l'un de ceux qui l'ont convaincue qu j'étais un artiste singulier ! Elle voulait même me l'acheter ! Alors, je lui ai dit: " En me critiquant, vous m'avez appris quelque chose. Vous m'avez obligé à aller plus loin !"


Face à l'importance de ces deux compositions qui occupent désormais chacune un mur de la maison de Raymond Reynaud, le visiteur ressent une émotion si intense, une telle perplexité, une si vive admiration à la fois pour la prouesse picturale que pour la démarche psychologique qui s'y déploie, qu'il s'y recueille comme devant un polyptyque religieux. D'ailleurs, n'est-ce pas une sorte de religion qui pousse cet artiste à revenir sans cesse sur ces deux toiles ? En conséquence, comment ne pas comprendre sa réaction lorsque, au lendemain du 11 septembre, paniqué à l'idée que, comme les deux tours, ses toiles pourraient être détruites, il a pris la décision irrévocable de ne plus jamais les sortir de sa maison ?

C'est en tout cas grâce à cette double aventure qu'il s'est lancé dans de grandes compositions. Sans pour autant brosser à longs traits de gros pinceaux ses histoires, car toutes ses œuvres sont comme des mosaïques de minuscules détails constituant autant de témoignages du souci de peindre de Raymond Reynaud, attestant du côté obsessionnel de sa peinture (et sans doute est-ce par l'évidence de cette irrépressible obsession que "Jean de Florette"a " su " convaincre Madeleine Lommel ; sans doute aussi est-ce ce qui rapproche l'artiste de l' Art brut, de la démarche de Lesage, de Wôlfli, ou d'autres à l'infini, penchés, le nez collé sur leur papier ou sur leur toile, ajoutant inlassablement le petit détail dans le petit détail dans... etc. ; apposant d'infimes éléments jusqu'à ce que le support ait complètement "disparu" (et même, chez Raymond Reynaud, arrive-t-il qu'il ne suffise pas, qu'il faille ajouter des appendices !)

C'est pourquoi aussi, même si la plupart des autres œuvres sont de tailles plus petites et si leur histoire est moins épisodiquement attachante, toutes présentent semblable densité descriptive ; semblable proximité avec un art populaire assez mystique pour les faire ressembler à des ex-voto ; semblable émotion intense lorsque, dépassée l'angoisse bien connue de la toile blanche, surgit un personnage et qu'à partir de lui va se développer, comme la zone de tempête rayonne à partir de l'œil du cyclone, une réalité humaine spirituelle autant que de chair et de sang.

Né au cœur du support, cet être va chaque fois s'élargissant, afin d'essayer de définir sa situation -partant celle du peintre- par rapport à l'univers ; transmettre à tous l'iconographie intuitive de Raymond Reynaud :

Jean-Claude Caire et Raymond Reynaud
Jean-Claude Caire et Raymond Reynaud

Jean-Claude Caire, fondateur et directeur du "Bulletin de l'Association Les Amis de François Ozenda", qui connaît Raymond Reynaud depuis le début des années 80, qui a assisté à la gestation de cette œuvre immense, qui a écrit des dizaines de fois sur l'homme et sur sa création, et connaît donc les dédales de pensée de l'un et les arcanes de l'autre, affirme que "les peintures de l'artiste sont conçues comme des mandalas", que Raymond Reynaud "donne l'impression, lors de ces voyages intérieurs dont seuls les chamans sont capables, d'avoir vu des mandalas, de se souvenir de l'idée générale de l'énergie qu'ils véhiculent et de nous la transmettre. Nous retrouvons donc là cette construction spécifique : un centre comme le moyeu d'une roue, point lumineux de la conscience d'où rayonnent les facultés psychiques. Puis sont représentées des barrières gardées par des déités diverses qui sont autant d'obstacles à franchir avant de se réintégrer non seulement dans l'Univers, mais aussi dans l'unité de la Conscience absolue, qui brille au Centre divin, comme au cœur de l'Homme universel".

Toutes les œuvres sont donc conçues sur un schéma identique. Il ne s'agit pas d'une répétitivité due à un manque d'inspiration; mais d'un processus inéluctable. Car, s'il est avéré que Raymond Reynaud n'a jamais étudié les arcanes de l'Hindouisme, il est non moins certain que les problèmes évoqués par Jean-Claude Caire sont présents dans son œuvre et qu'en conséquence, il a intuitivement ressenti des préoccupations similaires. Mais pas forcément "claires" a priori. En effet, à partir du moment où lui vient l'envie de traiter un thème, il va tâtonner, rester parfois plusieurs jours avant le premier trait de crayon... Et puis, tout à coup il se dit : "C'est de là que je pars" ! Alors, irrésistiblement, la main vient au centre vital de la toile et la construction rayonnera "forcément" de ce centre et du personnage qui va l'occuper. Il peut arriver à l'artiste de modifier des détails, revenir sur une expression et mettre plus ou moins de temps... Mais pas de doute, c'est ce chemin-là qui l'emmènera vers la fin du tableau.

Le Samouraï
Le Samouraï

A mesure qu'il avancera, et sans préméditation, d'autres formes récurrentes vont d'ailleurs s'imposer : le personnage central ("Le Grand Prosper", "la Prieuse", "la Diva", "la Sirène", etc.) sera l'axe de symétrie d'un espace clos autour duquel il installe son monde à la fois réaliste et imaginaire: monde réel face à ses souvenirs ? ses fantasmes ? ses fantaisies humoristiques ? ses attentes profondément mystiques ? Constructions étranges, où quatre mains jointes peuvent générer un corps ; où des rois, des reines et des ouvriers vont se retrouver à égalité dans un même "médaillon" ; où un enterrement baroque est traité comme une enluminure moyenâgeuse d'où s'échappent des hippocampes monstrueux, des serpents crachant le feu, des franges de personnages qui montent vers l'apex du tableau, ou en redescendent symétriquement; où des "bouffigues et des bouffiguons" bouffissent le visage d'un "Casanova vieillissant" ; où des sortes de cauris têtes bêches servent de cadre sophistiqué à une inconnue au visage rébarbatif ; où sont installés aux différents âges de la vie un bébé-fillette-femme adulte-vieille, renvoyant chaque spectateur à l'inexorable passage du temps. Le tout pris dans une multitude de subtilités, d'infimes personnages fourmillant parmi de purs éléments de décoration... Sans oublier les symboles et la dualité, comme Dulcinée, penchée au balcon mais à demi-cachée par des barreaux en forme d'éventail : or chacun sait que l'éventail fait partie de la panoplie de charme des Espagnoles qui l'agitent pour se rafraîchir, mais dissimulent à moitié leur visage derrière pour que les hommes les remarquent... Autres symboles, les livres exprimant la curiosité insatiable de ce créateur presque autodidacte, des soleils pour sa quête de la lumière, des fleurs, arabesques et entrelacs. .. Et le plus curieux, dans cette progression, est que les multiples éléments de chaque moitié de la toile ne sont en rien identiques, simplement, ils donnent l'impression de l'être. Et c'est bien là une des prouesses techniques de Raymond Reynaud !

A ce moment précis, le spectateur a le sentiment de contempler, au tympan d'une église, des limbes où évoluent bons et méchants, sous le poids de grands sabliers (matérialisés ou non, ils sont là !) Et, finalement, de retrouver au long des œuvres, derrière des trames prétendument différentes, une même rigueur mathématique, un unique thème, une unique interrogation, sans cesse repris, sans cesse redécouverts, au fur et à mesure que l'artiste avance vers l'essentiel de la peinture, vers le sens définitif à donner à l'œuvre, vers la tentative chaque fois renouvelée d'aller vers la perfection. Bien sûr, il faut réaffirmer qu'à aucun moment il ne saurait s'agir d'intellectualisme ou de masturbation métaphysique, mais bien d'une démarche spirituelle accompagnée de formulations récurrentes, comme le sorcier a besoin de ses gris-gris familiers pour parvenir à sa décision.

La Danse macabre
La Danse macabre

C'est pourquoi ce spectateur, confronté longtemps après avoir quitté les œuvres, à la rémanence de leurs images; va se mettre en quête de quelques clefs pour pénétrer toujours plus profondément dans l'univers mental et pictural de Raymond Reynaud: L'un de ses admirateurs de longue date également, et biographe, Daniel Soleil, a fait une sorte de récapitulatif de ces possibles "clefs" : "Premier principe", écrit-il, "la réinvention" qui implique une attitude critique permanente du peintre. Puis le rêve : il s'agit pour lui de faire appel à des climats et évènements imaginés ou vécus. Autres grands principes: -Laisser l'image imposer le format qui lui convient. -Laisser la composition se plier à, et servir le thème et non pas le contraire comme dans la plupart des expressions figuratives. La Poésie des formes : au-delà des aspects purement techniques, Raymond Reynaud fonctionne aussi à l'intuition et au plaisir. (Pour les partager), prendre le temps d'écouter ce que renvoie l'image, savoir l'interroger et percevoir des propositions inattendues. Utiliser les analogies avec la musique, les rythmes, les variétés de matières sonores qui se choquent. Ne pas se consacrer uniquement à la peinture, savoir trouver d'autres activités d'expressions supplémentaires ayant un rapport avec la poésie".


Pour conclure, il faut mesurer ensemble l'incommensurable : le chemin parcouru depuis la minute où Raymond Reynaud a posé le pied sur le quai d'une gare pour aller vers l'inconnu chercher l'idéale culture qui lui manquait et qu'il a traquée, au cours de centaines d'œuvres jusqu'en ce début du XXIe siècle ! Depuis le jeune homme effrayé mais se forçant à s'en aller "ailleurs", jusqu'au "jeune homme" de plus de 80 ans, qui nous étonne et nous enchante !

 

Raymond Reynaud peut être fier de lui et de son œuvre: Car, loin des fumées d'un art officiel, il a suivi à sa façon une voie royale, difficile, sans concessions ; poussé, tenaillé par la nécessité de créer, d'aller toujours plus loin, toujours plus profondément, déjouant perpétuellement les pièges de la facilité et de la médiocrité, suscitant chez autrui toujours les mêmes questionnements. Où s'arrête le quotidien dans ce parcours semé de talentueuses alchimies,? Où commence la fantasmagorie dans cet itinéraire dont la flamme s'appela -s'appelle- la poésie et la naïveté créatrice de l'artiste dont le talent ne s'est jamais démenti, et de l'honnête homme qui n'a jamais faibli.

 

Monsieur Edouard
Monsieur Edouard

Et s'il fallait dresser un portrait de Raymond Reynaud, ne serait-ce pas : Autodidacte qui n'a cessé de se cultiver ; maladroit qui a su transcender ses faiblesses pour les élever au niveau d'un art ; rêveur qui a su concrétiser ses rêves pour le plus grand bonheur de ses admirateurs; peintre et sculpteur dont l'œuvre se déploie sur cinquante ans, à nulle autre comparable: Raymond Reynaud est donc bien au sens noble du terme un artiste hors-les-normes.

C'est pourquoi il faut se réjouir de l'aura indiscutable, de l'espèce de fascination qu'exerce son œuvre sur tous les visiteurs, les plus âgés, bien sûr, dont beaucoup ont vécu ou suivi le développement de cette mouvance marginale. Mais aussi des jeunes, ceux qu'attire le terme "Artiste singulier". Et s'interroger sur l'influence qu'il pourra avoir, par son œuvre longuement ciselée et si profondément humaine, sur les générations futures fréquemment perturbées, déconcertées par des courants picturaux officiels trop souvent froids et déshumanisés?

C'est pourquoi, aussi, pour assurer la pérennité de son œuvre, il serait bien que sa maison de la Peyronnette devienne officiellement un musée. La ville de Sénas avait envisagé de lui en créer un, mais en emportant immédiatement toutes les oeuvres. Comment s'imaginer face à des murs vides de toutes traces du passé ? Les Reynaud ont refusé. Il reste donc à souhaiter qu'ils vivent très vieux l'un et l'autre, pour que ce travail demeure longtemps encore dans sa splendide intimité.

CONFERENCE PRESENTEE A ROUEN EN 2002, DANS LE CADRE DU FESTIVAL ART ET DECHIRURE. ET PUBLIEE DANS LE N° 72 TOME 1 DE FEVRIER 2003 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.