SOUS LES TROPIQUES ENSOLEILLES DE KURT HAAS, peintre

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          Par quelle aberration Kurt Haas est-il né dans les brumes helvétiques, lui qui depuis toujours, ne produit que fleurs arborescentes, feuilles palmatifides, oiseaux falconiformes aux ongles-astérides, éléphants érigés à trompe de naja...11 faudrait mille mots pour décrire les incrustations ciselées dans les cœurs, les oiseaux dans l’oiseau, la fleur dans le pétale...le tout baignant dans les ciels, étoilés de petits symboles: croix, silhouettes surmontées d'antennes, soleils minuscules, qui gravitent autour de "personnages" mis en scène dans d’imaginaires Amazonie. Car la tête de Kurt Haas est illuminée de la magie originelle de lointains tropiques.

          Ce folklore revisité peut laisser perplexe quiconque pense à la réalité, aux désastres écologiques, aux cultures anéanties. Mais il se dégage de la fantaisie de l’artiste, tant de joie, un tel foisonnement de couleurs, qu’inversement, l’optimiste sent immédiatement battre pour lui le grand cœur chaleureux de ce décor idyllique. Et pourtant, la palette du peintre est très réduite,

bleue, rouge, vert jaune, mais il a l’art de les faire chatoyer, se rehausser les unes les autres; renvoyer dans des perspectives de sombreros au grand soleil, d’aras agrippés à des troncs ou de cactus-candélabres, la multiplicité de zébrures, ponctuations et arabesques noires tricuspides surlignées de ces quatre couleurs pures, répéter à l’infini leurs rythmes tels les points d'une dentelle, jusqu’à faire ciller l’œil ébloui par toutes ces vibrations !

          Quelle signification se cache derrière cette beauté ? Une oeuvre aussi structurée pourrait-elle n'être qu’esthétique ? Certes,  non : Sous le côté ludique, ressortent en filigrane le désir de conjurer les possibles dégradations infligées à ces lointains horizons et leurs aborigènes, l’ambivalence de l’artiste partagé entre cette inquiétude et le bonheur d’en profiter encore; sa nostalgie peut-être, de retourner vers un primitivisme écologique ? Et dans cette quête, son travail figuratif sans souci de réalisme, a besoin de quelques constantes pour instaurer la radieuse assurance qui finit toujours par prévaloir: Tous les “humains” ont de grandes dents, non pas comme dans le conte, pour mieux manger le visiteur, mais pour s’affirmer, affirmer un besoin de mordre dans la vie à belle dents ! Les compositions picturales sont toujours symétriques, garantissant un équilibre entre le goût des certitudes et la tentation de l’aventure. Toutes les créatures, enfin, sont bicéphales pour confirmer la dualité entre l'artiste qui cherche et celui qui a trouvé! Mais ces constantes sont tellement intégrées à l’oeuvre (sont tellement inconscientes, peut-être ?) qu’elles génèrent en fait la sérénité des “paysages” ou des petits instants de “vie”; assument l’humour et l'irrévérence des quelques effrontés tirant une langue démesurée; composent le dialogue entre têtes bifides ou pieuvres innocentes... se profilant sur fond de jungle; explorent pour le plus grand plaisir du spectateur, ces grands moments de poésie luxuriante !

          Car c’est bien à un voyage poétique que le spectateur est convié; un long périple vers un Eldorado coloré et idéal; une fête où les tableaux se nomment joie : une circumnavigation amphigourique pour les raisonneurs, mais parfaitement claire pour les conquérants prêts à enfourcher un nuage et retomber sur les rives des broderies picturales de Kurt Haas.

Jeanine RIVAIS

 

HAAS KURT : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "SOUS LES TROPIQUES ENSOLEILLES" BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N° 56 de décembre 1995. Et IDEART N° 46 DE MAI 1995. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995