GRAND PRIX DE L’HUMOUR NOIR 1998

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    Le jury de “l’Humour noir” est très sélectif, et l’ensemble des branches qu’il prospecte (spectacle, roman, bande dessinée...) n’est pas récompensé chaque année ! 1998 est donc un bon crû, puisque les quarante-quatrièmes Grands Prix ont tous été décernés, en grande cérémonie, sous les auspices de leur fondateur Tristan Maya, et la présidence de l’écrivain Jean Fougère.

    Le Grand Prix de l’Humour noir Grandville a été attribué à TRONCHET, pour ses albums "Les rois du rire", mettant en scène deux célèbres héros, Raymond Calbuth et Jean-Claude Tergal, et deux antihéros, Paintex et Poissart, englués dans la routine banlieusarde !

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Le Grand Prix de l’Humour noir du spectacle est revenu au THEATRE DE L’UNITE, installé à Montbéliard et dirigé par JACQUES  LIVCHINE ; HERVEE DE LAFOND, pour La fête du malheur. Méritait-il bien pareille célébration, ce Jacques Livchine, lui qui “serait tellement malheureux (s’il) n’étai(t) pas malheureux ? Et dont le spectacle emblématique fut "La 2 CV théâtre", le "plus petit théâtre du monde", une 2CV se promenant en ville avec à l’avant deux acteurs et à l’arrière deux spectateurs, mais un tapis rouge et des Gardes Républicains à l’arrivée !

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    Et puis, le Grand Prix de l’Humour noir Xavier Forneret a été attribué à ODILE MASSE pour "TRIBU", son "Petit ouvrage de très courtes nouvelles” donnant l’impression d’être des articles de journaux, à la rubrique des faits-divers ! Sauf que le protagoniste y dit “je”, même quand il est mort !

    Quelle étrange faune peuple donc l’imagination d’Odile Massé, où comme dans les contes d’Edgar Poe, l’humain ; ou peut-être l’animal doué de raison  est toujours “incomplet ? Au fil des pages, le lecteur apprendra qu’il possède des griffes aiguës et des sabots, un bec et des babines armées de crocs ; qu’il glapit ; se livre à des cultes païens ; mais que, tels les loups, il pisse sur les arbres pour délimiter son territoire ! 

    Il n’est jamais seul, non plus. Toujours, l’histoire se passe dans sa “famille”, dans sa “tribu” ; et l’intérêt singulier, les besoins individuels y sont sacrifiés à ceux du groupe, comme on imagine l’Homme au début de son évolution, lorsque a commencé à sourdre son besoin de socialisation !

    Ecrit à l’imparfait, cet ouvrage “semble” présenter des “scènes” différentes, mais elles sont finalement les facettes d’une même histoire qui, chaque fois, débute poétiquement, dans une sorte d’harmonie familiale, fraternelle, territoriale..., va crescendo et soudain bascule vers l’échec, vers la mort... Mais pas n’importe quelle mort : un enfant, des enfants, y sont mangés les jours de disette, tués par des ennemis s’ils ne sont pas restés sur leur territoire, sucés par des araignées, engraissés pour la saison sèche, etc. Et, comme un leitmotiv, reviennent le père tout puissant, et la mère immanquablement définie par des occupations de couture ou de tricot ! Jusqu’au dernier épisode, jusqu’au moment où cette progéniture protéiforme va les étouffer, “car c’est ainsi qu’on entre dans la vie".

    Noir ! Vraiment noir, l’humour d’Odile Massé ; fait d’impossibles survies, de jubilations mortifères, de jeux sinistres sur les mots, de cruautés et de lapidations, de cannibalismes ; comme un lointain passé remontant de son inconscient le plus profond, étalé là, avec des allures de contemporanéité !  D’autant plus efficace qu’il est parfaitement écrit ! Bouleversant ! 

Jeanine RIVAIS