LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU DE MIHO HIRAKAWA

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Le jardin reste ouvert pour ceux qui l’ont aimé”**, pour Miho Hirakawa en particulier, tombée amoureuse de Paris dès qu’elle a commencé à l’explorer sur les traces de son père ; et qu’elle n’a plus jamais quitté !

                Quotidiennement, ses pérégrinations l’entraînent au long des vieilles rues de la capitale ; des ruelles où s’accrochent quelques plantes rudérales noircies de suie ; des anciennes cours où traînent à demi-pourris des outils désaffectés ; au creux de jardins ombreux où s’écaillent quelques statues mangées de mousse, etc. Partout, mûe par une révérence quasi-mystique, elle retrouve le parfum des fêtes oubliées, le rythme des pas éteints sur les pavés usés, la trace des objets naguère aimés ; le poids d’un passé accompli par des habitants depuis longtemps disparus : la rémanence, en somme, de leurs vies effacées...

                Et la beauté particulière des vieux murs dégradés ou patinés par le temps ! Beauté à laquelle, à l’instar de tant de poètes, elle est totalement réceptive ; au point d’avoir un jour éprouvé le besoin de la peindre !

                Depuis, cette créatrice autodidacte exprime “son” Paris au charme suranné, en des oeuvres exécutées dans des gris parfois teintés de bruns. Travaillant sur le motif, elle rend au fusain sur le papier, des pans de murs, des horizons serrés de toits hérissés de cheminées, des amorces d’appentis accrochés à des gouttières de guingois, des soupiraux rasant des trottoirs luisants, des façades aux volets clos ou des fenêtres auxquelles s’accrochent encore des rideaux de dentelles jaunis par le soleil !

                Rentrée dans son atelier où elle travaille toujours en éclairage naturel, elle reprend sur la toile ses premières impressions : les aplats deviennent reliefs de lambeaux de plâtres écornés ; surlignages d’embrasures ; plaques brunes lépreuses de torchis, aux teintes appliquées à larges coups du couteau chargé de peinture, si denses que les épaisseurs se côtoyant ou se chevauchant, font vibrer les surfaces voisines plus claires ! Le tout nuancé avec un sens inné très aigu de la couleur. De sorte que chaque oeuvre semble finalement nimbée d’une lumière mauve-laiteux, comme celle qui subsiste encore quelques instants après le coucher du soleil !

                Jamais de personnages, par contre, dans l’univers vétuste de Miho Hirakawa ; comme si l’artiste redoutait la “facilité” picturale qu’ils apporteraient à ses compositions ! D’ailleurs, pour elle, point n’est besoin de “preuve” pour attester que même “absents”, ils sont “là” ! Contrairement à la voix du poète s’interrogeant :

"Que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés ...

Je crois que le vent les a emportés…”**

elle affirme sans ambiguïté qu’il n’en est rien ; qu’ils vont et viennent avec elle au long de “ses” rues, “ses” ruelles, “ses” cours et “ses” jardins ! Et son amour pour eux est si immense ; le talent avec lequel elle l’exprime si puissant que le spectateur ressent cette sorte de latence, de nostalgie qui se dégage de ses peintures.

                Il se prend alors à rêver qu’il part, lui aussi, A la recherche du temps perdu**.

                                                               Jeanine RIVAIS

**Jacques Prévert.

**Rutebeuf.

**Marcel Proust.

 

Ce texte a été publie sur les sites : jeaninerivais.fr/PAGES/hirakawa.htm  et http://jeaninerivais.jimdo.com/ . Il a été traduit en japonais sur le site de l'artiste.